L’Agent judiciaire de l’Etat confirme ces dernières heures que les deux anciens Premiers ministres occupent ce qu’il a appelé des « bâtiments dits cédés » par l’Etat. Dans le document rendu public, le premier porte l’estampille : PBP/CAM/DCI/002 : Diallo Cellou Dalein (ancien PM), à Dixinn centre, et le second, PBP/CAM/CMI/0126 : Sidya Touré, à la Minière.

 Alpha Condé passe donc à la vitesse supérieure dans l’identification et la récupération des biens de l’Etat. Certains craignent une politique des deux poids, deux mesures. Mais d’autres, applaudissent des deux mains la démarche visant à davantage mettre à nu l’occupation « illégale » dont se seraient rendus coupables Sidya et Dalein, deux opposants qui donnent par ailleurs du grain à moudre à Alpha Condé.

L’Etat veut aujourd’hui rentrer dans ses droits en menant « une lutte sans merci pour la préservation du bien public et de personnes physiques ou morales ». Selon le porte-parole du gouvernement Albert Damantang Camara « une évaluation en cours permet de prendre des décisions suivantes ». Extrait du communiqué: « Dans le cas du patrimoine public cédé à un tiers ou à soi-même par des personnes physiques et des fonctionnaires en service au sein de l’administration ou du gouvernement en violation de la déontologie et de l’éthique, cet acte de cession doit être annulé. Les personnes concernées seront  remboursées des montants payés lors de la transaction. Dans le cas du patrimoine immobilier bradé à des personnes physiques et aux sociétés privées, les contrats de cession ou de bail devront être examinés à des fins d’examen ou réévaluation financière. Une commission ad hoc sera mise en place pour l’examen diligent des dossiers en cause et le gouvernement veillera à la préservation du bien public, à la transparence du processus engagé et au respect absolu du droit. Des instructions précises seront  données à toutes les administrations concernées par la présente décision. »

Auparavant, Alpha Condé avait promis à ses militants, lors d’une assemblée générale de son parti: « Tous les bâtiments de l'Etat, tous les terrains qui appartiennent à l’Etat vont être récupérés. Vous applaudissez, peut-être, quelqu’un d’entre vous sera concerné. Il n’y aura pas deux poids, deux mesures. » Et Condé d’ajouter : « J’ai demandé au patrimoine de faire le recensement de tous les biens de l’Etat, au moment de l’indépendance et en 1984. Nous avons les villas de l'OUA, ces villas sont faites pour accueillir les chefs de l'Etat. Aujourd'hui, ces villas sont occupées et à ma grande surprise, le ministre m'a dit que l'Etat n'a jamais reçu un franc des loyers de l'Etat. Alors, qui reçoit le loyer de ces villas ? Là aussi, nous allons rétablir l'Etat dans ses droits. »

 

Seulement, les deux leaders politiques ont toujours clamé qu’ils ont acquis leurs patrimoines dans des conditions les plus orthodoxes. Dalein Diallo s’en défend : « Le domaine faisait parti des domaines privés de l’Etat, que l’Etat a décidé de vendre par l’autorité la plus compétente en l’occurrence le président de la République. Et j’ai mon titre foncier, je suis tout à fait en règle, 450 millions GNF ont été payés à l’époque après une évaluation au tarif du marché applicable au mètre carré. J’ai émis  un chèque de banque qui a été payé au Trésor public qui a donné une quittance en bonne et due forme. Et le décret  ayant été signé par le président de la République, j’ai acquis ça dans des conditions régulières. Maintenant s’il (Alpha Condé, ndlr) veut exproprier l’opposant, son adversaire redoutable, ou essayer de le décrédibiliser, il n’a qu’à y aller, mais moi je suis en règle, je n’ai pas du tout d’inquiétude. »

De son côté, Sidya Touré dit ce qu’il pense : « Pour avoir un domicile privé, Sidya Touré a demandé au gouvernement de lui vendre un terrain nu à usage d’habitation conformément à la loi pour y construire sa résidence. Alors président de la République, le général Lansana Conté a pris un décret pour lui octroyer ce terrain, gratuitement. Mais, en homme averti, Sidya Touré a exigé du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, l’évaluation dudit terrain à sa juste valeur, en fonction des prix du marché à l’époque afin qu’il l’achète. Et c’est ce qu’il a fait au prix de 35 000 dollars US, par l’intermédiaire de son notaire (Me Amadou Diallo). A rappeler qu’à l’époque le dollar valait moins de 1000 Gnf sur le marché local. Le versement dudit montant a été effectué au guichet du Trésor public. La copie du chèque et le récépissé sont disponibles pour ceux qui veulent asseoir leur conviction quant à la sincérité et à la régularité de la transaction. Un permis de construire a été demandé et obtenu en bonne et due forme (également disponible). Les travaux ont été confiés à une entreprise qui l’a totalement réalisé sur cette base. »

Thierno Fodé Sow