Six mois après la mise en place d’un nouveau fonds de 9,5 millions d’euros pour appuyer le développement des petites et moyennes entreprises (PME) en Afrique, Jean-Michel Sévérino, patron du fonds Investisseurs et Partenaires (I & P) a décidé de faire des entrepreneurs du continent une nouvelle force de lobbying.

Le 2 juin à Abidjan, l’ ancien vice-président de la Banque mondiale et ex-directeur de l’Agence française de développement (AFD) a lancé le Club africain des entrepreneurs (CAE), réunissant une soixantaine de patrons, issus des entreprises dans lesquelles I & P investit en Côte d’Ivoire (six PME financées), au Ghana, au Cameroun, au Sénégal et en Mauritanie. L’une des principales activités de ce club sera la formation en management sur des thématiques stratégiques pour ces entreprises telles que la gestion des ressources humaines, la responsabilité sociétale, la gestion financière ou encore le marketing et la communication.

Qu’est-ce que ce Club peut apporter de particulier aux entrepreneurs africains ?

Jean-Michel Sévérino Il est destiné à briser la solitude des entrepreneurs. Bien souvent, ils sont confrontés à des difficultés à l’intérieur même de leur entreprise, avec leurs clients, leurs fournisseurs ou l’Etat. Ils ont aussi des problèmes quotidiens de logistique, sans savoir où « mettre la tête ». Il est très important qu’ils puissent échanger entre eux, s’apporter des solutions, débattre de leurs soucis, progresser ensemble. Mais aussi trouver des moyens de se conforter, en mettant en place des programmes de formation pour leurs salariés, en parlant des opportunités, en organisant des plaidoyers à destination des gouvernements, des institutions internationales pour façonner un cadre plus favorable aux PME. Toute chose qu’ils ne peuvent faire seuls.

Ces PME parviendront-elles un jour à être au même niveau de décision que les multinationales présentes sur le continent ?

Ce sera toujours difficile d’avoir les mêmes voix que les multinationales. Mais, il s’agit bien de leur donner une grande force, une visibilité vis-à-vis de tous les décideurs. Elles doivent pouvoir influencer les décisions au sommet des Etats, parce qu’elles absorbent chaque année le plus grand nombre de demandeurs d’emplois, contribuant énormément à faire reculer le chômage. Alors elles ne doivent pas que subir l’orientation des multinationales.

Mais cela reste encore un club très fermé…

Aujourd’hui, nous partons avec les entreprises du portefeuille d’I & P parce que celles-ci entretiennent des valeurs communes qui sont très importantes pour la famille, une forme de confiance, mais aussi un code d’éthique. Nous démarrons là, mais l’intention de ce club, au fur et à mesure qu’il va se renforcer, est de s’ouvrir et d’avoir une approche plus vaste.

Propos recueillis par Alexis Adélé (contributeur Le Monde Afrique, Abidjan)

 

 

En décembre 2015, vous lanciez le fonds IPDEV2 pour soutenir d’autres types d’initiatives sur le continent. Où en est ce projet ?

Effectivement, nous avons décidé de la mise en place d’un fonds d’investissement dans dix pays en dix ans pour financer des start-up, des jeunes entreprises en développement. A l’heure actuelle, trois fonds ont été créés : au Niger, au Burkina Faso et au Sénégal. C’est désormais au tour de la Côte d’Ivoire d’accueillir l’initiative. Nous espérons y aboutir au premier semestre 2017, après avoir recruté et formé une équipe ivoirienne. Nous allons apporter une contribution au capital de ce fonds, mais souhaitons avoir un soutien d’acteurs locaux : des entreprises, des coactionnaires, des femmes et hommes d’affaires ivoiriens. C’est un projet rentable et l’enveloppe qui sera consacrée est en cours de définition, mais ce sont plusieurs millions d’euros qui seront mis à disposition. Ce que nous souhaitons faire, ce n’est pas susciter l’émergence d’une équipe nationale, mais travailler les unes avec les autres.