Sécheresse au Zimbabwe en janvier 2016.

L’Afrique se trouve une nouvelle fois confrontée aux conséquences du phénomène El Nino. Pourquoi donnons-nous l’impression d’être si démunis alors que ce phénomène météorologique, qui se manifeste tous les deux à sept ans, est bien connu. La réponse est malheureusement très claire : il n’existe pas de réelle volonté politique d’aider les pays pauvres et les communautés à mettre en place les systèmes nécessaires pour anticiper, minimiser et gérer des désastres qui ne feront qu’empirer du fait du changement climatique. Il s’agit d’une situation foncièrement injuste, quand on sait que l’immense majorité des pays vulnérables comptent parmi ceux qui ont le moins contribué au changement climatique.

Nous devons être prêts à assumer toutes les conséquences de cette inaction qui ne pourra qu’alimenter des flux migratoires massifs, l’accroissement des conflits ainsi que le mécontentement de très larges pans de la jeunesse rurale.

Dynamiques conflictuelles

De l’avis des experts, le phénomène El Nino, qui sévit en 2016, risque de rivaliser en intensité avec les années 1972, 1982 et 1997-1998. Nous connaissons le cortège de conséquences tragiques qui en découlent pour les populations : famine, malnutrition, pertes de moyens de subsistance, éclosions de maladies, conflits interethniques, etc. Soit 60 millions de personnes concernées à travers le monde.

En Afrique australe, 29 millions d’entre elles sont déjà en état d’insécurité alimentaire. Près de 58 000 enfants somaliens sont au bord de la famine alors que les deux tiers de la population se trouvent en situation de déplacement interne.

Il est important de noter que, dans certaines régions, comme la Somalie, l’Ethiopie, le Kenya et la Namibie septentrionale, les communautés doivent affronter El Nino alors qu’elles se remettent à peine de sévères épisodes de sécheresse.

Nous sommes déjà passés par là auparavant. Le conflit qui a dégénéré en guerre et engendré des milliers de réfugiés au Darfour s’est manifesté dans un contexte marqué par quatre décennies de sécheresse et de désertification. La crise syrienne trouve l’une de ses causes dans la longue sécheresse des années 2007-2010. Dans les zones sujettes à la sécheresse marquées par une lente régénération des terres dégradées, ce sont les effets combinés de la pauvreté et de la perte des moyens de subsistance qui empêchent les populations affectées de réagir rapidement. Les pressions migratoires ou les dynamiques conflictuelles qui s’exercent de ce fait sur les maigres ressources deviennent alors inévitables. Ce n’est pas uniquement faire preuve d’irresponsabilité que de laisser des communautés entières se désintégrer quand nous disposons des connaissances et des moyens de renforcer leur résilience. Il s’agit aussi et surtout d’un comportement cruel et d’un manque total de clairvoyance. Notre incapacité à prioriser les besoins en termes d’adaptation au changement climatique pour les plus pauvres, les communautés rurales et les pays où l’agriculture constitue la première activité économique, nous rend coupables.

Restaurer les terres

Sans aucun doute, beaucoup reste à faire au niveau national. Aujourd’hui, seuls l’Australie et les Etats-Unis sur plus de soixante-dix pays enclins à la sécheresse (dont quarante se situent en Afrique) disposent aujourd’hui d’une réelle politique spécifique aux désastres naturels. Celles-ci sont pourtant indispensables et les systèmes de prévision météorologique désuets doivent impérativement être mis à jour. Des mécanismes d’alerte et de réponse précoce aux désastres naturels sont également nécessaires. Dans cette perspective, des systèmes de surveillance, de compilation et d’analyse de l’information au niveau régional à même de prévoir les tendances climatiques sont vitaux pour l’efficacité de toute réponse en la matière.

Assurer la productivité des terres et restaurer les zones dégradées devraient constituer la priorité absolue de chaque dirigeant. Nous sommes en mesure d’investir dans les terres pour nous assurer que celles-ci sont capables d’absorber et de stocker plus d’eau en période de longue sécheresse ou que les zones enclines aux inondations puissent drainer plus efficacement l’excédent d’eau. Restaurer un hectare de terres coûte entre 100 et 200 euros.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à des situations d’urgence qu’il faut traiter immédiatement. Mais assurons-nous de faire de la restauration rapide des terres dégradées une autre priorité. Etre préparé et en mesure de répondre efficacement aux situations de sécheresse dans d’autres pays est tout autant une question d’intérêt propre que de solidarité envers les victimes.