L'élection présidentielle en Guinée Conakry devrait avoir lieu le 11 octobre 2015. Dans n'importe quel pays démocratique, cette échéance électorale sonne comme le droit pour tous citoyens de juger par son vote le bilan de la politique menée par le Président de la République sortant. Dans mon pays, il en est malheureusement autrement.

En effet, quatre années après l'élection, comme Président de la République de Monsieur Alpha Condé, je souhaite attirer l'attention de la France et de l'Union européenne sur les réalités que vivent mes compatriotes. Nous constatons ces dernières années des dérives de la gouvernance politique, économique et sociale exercée en Guinée Conakry.

Sur le plan politique, nous sommes dans un théâtre d'ombres et victimes d'une démocratie de façade. À la suite d'une longue période de contestations généralisées entachées de morts (62 victimes pour la plupart de tirs à balles réelles de la part des forces de l'ordre) et de crises politiques profondes, les partis de l'opposition et le parti présidentiel et ses alliés se sont accordés à désigner l'Organisation des Nations-Unies comme médiateur du dialogue politique inter-guinéen. Cette démarche a abouti à la conclusion d'un protocole d'Accord politique signé de toutes parties, le 3 juillet 2013 permettant ainsi, après un retard de plus de deux ans, l'organisation des élections législatives du 28 septembre 2013. Ces dernières enregistrèrent néanmoins des fraudes massives et révélèrent des dysfonctionnements et des lacunes graves de l'actuelle CENI (Commission Électorale Nationale Indépendante). Un rapport circonstancié de la Mission d'Observation Électoral de l'Union européenne en fait foi.

Depuis plus de quatre ans, les mandats des responsables des collectivités territoriales ont expiré sans que des élections locales (communales), régulièrement reportées à dessein par les autorités actuelles, ne permettent leur renouvellement. Ainsi, tous les administrateurs locaux (maires, conseillers communaux, Présidents de districts, conseils de quartiers) qui d'après notre Constitution sont élus par les populations, exercent des mandats illégaux et illégitimes, parce que nommés en toute illégalité par l'exécutif.

C'est dans ce contexte que les autorités actuelles envisagent l'organisation de l'élection présidentielle de 2015, avec une CENI qui a perdu toute légalité, la parité dans sa composition ayant été rompue au lendemain des dernières élections législatives, avec des administrateurs territoriaux sans mandats électifs et une Cour suprême qui a reconnu publiquement son incompétence à régler les différends relatifs aux contentieux électoraux.

Parallèlement à ces défaillances, les symboles de l'État de droit tardent à exister. La Cour Constitutionnelle, n'est toujours pas opérationnelle, la Cour des comptes et la Haute Cour de Justice ne sont pas mises en place. Il s'en suit que, quatre années après l'investiture de Monsieur Alpha Condé à la présidence de la République, en dehors de l'Assemblée nationale, aucune institution républicaine prévue dans notre Constitution de 2010 n'est encore opérationnelle, privant notre pays de recours et de contre-pouvoirs légaux. Ces manquements qui résultent d'une absence totale de volonté politique pour la consolidation de la démocratie et de l'État de droit, sont le signe évident d'une inclination notoire à l'autocratie. La Guinée, en raison d'une gouvernance politique défaillante et peu vertueuse, se trouve ainsi handicapée dans son évolution démocratique et son essor économique en dépit d'un potentiel humain, agricole, minier et énergétique considérable.

Le taux de pauvreté augmente inexorablement et atteint aujourd'hui près de 60 % de la population en raison de faibles performances économiques établies bien avant l'apparition de l'épidémie d'Ébola. Cette situation sociale est le terreau idéal de pratiques de corruption, aggravées par une impunité généralisée. Le manque d'infrastructures de base (Eau, Électricité, routes) vient alourdir le quotidien précaire de nombreux Guinéens. Le taux de chômage, particulièrement élevé chez les jeunes, nourrit un sentiment de désespoir et de rancœur dans les familles dont les enfants n'ont plus d'autres alternatives que de tenter une périlleuse aventure vers un hypothétique exil européen ou américain. La misère s'est installée de façon durable, en particulier dans les zones rurales. Dans ce contexte, la stabilité politique est de plus en plus menacée dans une société guinéenne qui connaît de fortes tensions entre les ethnies.

S'ajoute à cette grave crise sociale et économique, une crise sanitaire sans précédent. Le virus Ébola a fait des ravages, avec déjà plus de 1 200 morts, en raison de la faible pertinence des stratégies de lutte et du retard accusé par le Gouvernement dans le déclenchement de la riposte à cette épidémie apparue en Guinée en décembre 2013. Cette épidémie fut déclarée officiellement, quatre mois plus tard, en mars 2014. Cette reconnaissance tardive de la maladie ainsi que la banalisation dont elle a fait l'objet les premiers mois ont contribué à sa propagation rapide en Guinée et dans les pays voisins.

Pour ces différentes raisons, j'en appelle aux pays partenaires de la Guinée et à leur devoir de s'assurer de la régularité des élections futures; leur contribution financière et matérielle à leur organisation leur donne de fait, ce droit "d'ingérence démocratique ", car ils ont à justifier devant leurs contribuables de la bonne utilisation des aides accordées aux pays en développement. Ils sont aussi liés par les dispositions de l'Accord de Cotonou relatives à la bonne gouvernance et restent soumis au devoir moral de ne pas cautionner une parodie d'élection.

L'instabilité sociale, politique et économique dans laquelle est plongée notre pays pourrait déboucher, en raison du refus de dialogue des autorités publiques et de leur propension à violer la Constitution et les lois de la République, sur une confrontation aux conséquences imprévisibles. Au regard des scènes récurrentes de violences aveugles qui émaillent le quotidien des citoyens de la capitale et de l'intérieur du pays, soit dans le cadre de conflits intercommunautaires, soit lors de manifestations spontanées de protestation, force est de reconnaître que l'avenir de notre pays semble incertain et bien sombre.

Il existe un risque réel que des conflits post-électoraux se greffent aux troubles actuels pour dégénérer en un conflit généralisé entre les communautés, car la tentation du repli identitaire est bien réelle. La République de Guinée est aujourd'hui à la croisée des chemins, car les enjeux de la prochaine élection présidentielle dépassent de loin ceux d'un scrutin ordinaire. C'est pourquoi il m'a paru nécessaire et urgent de porter à la connaissance du plus grand nombre ces faits révélateurs de la situation dramatique que vit le peuple de Guinée et de l'absence de perspectives pacifiques pour son avenir si l'Union européenne et particulièrement la France ne s'assurent pas du bon déroulement des prochaines échéances électorales. Il en va également de la stabilité du pays et de cette région.

L'élection présidentielle en Guinée Conakry devrait avoir lieu le 11 octobre 2015. Dans n'importe quel pays démocratique, cette échéance électorale sonne comme le droit pour tous citoyens de juger par son vote le bilan de la politique menée par le Président de la République sortant. Dans mon pays, il en est malheureusement autrement.

En effet, quatre années après l'élection, comme Président de la République de Monsieur Alpha Condé, je souhaite attirer l'attention de la France et de l'Union européenne sur les réalités que vivent mes compatriotes. Nous constatons ces dernières années des dérives de la gouvernance politique, économique et sociale exercée en Guinée Conakry.

Sur le plan politique, nous sommes dans un théâtre d'ombres et victimes d'une démocratie de façade. À la suite d'une longue période de contestations généralisées entachées de morts (62 victimes pour la plupart de tirs à balles réelles de la part des forces de l'ordre) et de crises politiques profondes, les partis de l'opposition et le parti présidentiel et ses alliés se sont accordés à désigner l'Organisation des Nations-Unies comme médiateur du dialogue politique inter-guinéen. Cette démarche a abouti à la conclusion d'un protocole d'Accord politique signé de toutes parties, le 3 juillet 2013 permettant ainsi, après un retard de plus de deux ans, l'organisation des élections législatives du 28 septembre 2013. Ces dernières enregistrèrent néanmoins des fraudes massives et révélèrent des dysfonctionnements et des lacunes graves de l'actuelle CENI (Commission Électorale Nationale Indépendante). Un rapport circonstancié de la Mission d'Observation Électoral de l'Union européenne en fait foi.

Depuis plus de quatre ans, les mandats des responsables des collectivités territoriales ont expiré sans que des élections locales (communales), régulièrement reportées à dessein par les autorités actuelles, ne permettent leur renouvellement. Ainsi, tous les administrateurs locaux (maires, conseillers communaux, Présidents de districts, conseils de quartiers) qui d'après notre Constitution sont élus par les populations, exercent des mandats illégaux et illégitimes, parce que nommés en toute illégalité par l'exécutif.

C'est dans ce contexte que les autorités actuelles envisagent l'organisation de l'élection présidentielle de 2015, avec une CENI qui a perdu toute légalité, la parité dans sa composition ayant été rompue au lendemain des dernières élections législatives, avec des administrateurs territoriaux sans mandats électifs et une Cour suprême qui a reconnu publiquement son incompétence à régler les différends relatifs aux contentieux électoraux.

Parallèlement à ces défaillances, les symboles de l'État de droit tardent à exister. La Cour Constitutionnelle, n'est toujours pas opérationnelle, la Cour des comptes et la Haute Cour de Justice ne sont pas mises en place. Il s'en suit que, quatre années après l'investiture de Monsieur Alpha Condé à la présidence de la République, en dehors de l'Assemblée nationale, aucune institution républicaine prévue dans notre Constitution de 2010 n'est encore opérationnelle, privant notre pays de recours et de contre-pouvoirs légaux. Ces manquements qui résultent d'une absence totale de volonté politique pour la consolidation de la démocratie et de l'État de droit, sont le signe évident d'une inclination notoire à l'autocratie. La Guinée, en raison d'une gouvernance politique défaillante et peu vertueuse, se trouve ainsi handicapée dans son évolution démocratique et son essor économique en dépit d'un potentiel humain, agricole, minier et énergétique considérable.

Le taux de pauvreté augmente inexorablement et atteint aujourd'hui près de 60 % de la population en raison de faibles performances économiques établies bien avant l'apparition de l'épidémie d'Ébola. Cette situation sociale est le terreau idéal de pratiques de corruption, aggravées par une impunité généralisée. Le manque d'infrastructures de base (Eau, Électricité, routes) vient alourdir le quotidien précaire de nombreux Guinéens. Le taux de chômage, particulièrement élevé chez les jeunes, nourrit un sentiment de désespoir et de rancœur dans les familles dont les enfants n'ont plus d'autres alternatives que de tenter une périlleuse aventure vers un hypothétique exil européen ou américain. La misère s'est installée de façon durable, en particulier dans les zones rurales. Dans ce contexte, la stabilité politique est de plus en plus menacée dans une société guinéenne qui connaît de fortes tensions entre les ethnies.

S'ajoute à cette grave crise sociale et économique, une crise sanitaire sans précédent. Le virus Ébola a fait des ravages, avec déjà plus de 1 200 morts, en raison de la faible pertinence des stratégies de lutte et du retard accusé par le Gouvernement dans le déclenchement de la riposte à cette épidémie apparue en Guinée en décembre 2013. Cette épidémie fut déclarée officiellement, quatre mois plus tard, en mars 2014. Cette reconnaissance tardive de la maladie ainsi que la banalisation dont elle a fait l'objet les premiers mois ont contribué à sa propagation rapide en Guinée et dans les pays voisins.

Pour ces différentes raisons, j'en appelle aux pays partenaires de la Guinée et à leur devoir de s'assurer de la régularité des élections futures; leur contribution financière et matérielle à leur organisation leur donne de fait, ce droit "d'ingérence démocratique ", car ils ont à justifier devant leurs contribuables de la bonne utilisation des aides accordées aux pays en développement. Ils sont aussi liés par les dispositions de l'Accord de Cotonou relatives à la bonne gouvernance et restent soumis au devoir moral de ne pas cautionner une parodie d'élection.

L'instabilité sociale, politique et économique dans laquelle est plongée notre pays pourrait déboucher, en raison du refus de dialogue des autorités publiques et de leur propension à violer la Constitution et les lois de la République, sur une confrontation aux conséquences imprévisibles. Au regard des scènes récurrentes de violences aveugles qui émaillent le quotidien des citoyens de la capitale et de l'intérieur du pays, soit dans le cadre de conflits intercommunautaires, soit lors de manifestations spontanées de protestation, force est de reconnaître que l'avenir de notre pays semble incertain et bien sombre.

Il existe un risque réel que des conflits post-électoraux se greffent aux troubles actuels pour dégénérer en un conflit généralisé entre les communautés, car la tentation du repli identitaire est bien réelle. La République de Guinée est aujourd'hui à la croisée des chemins, car les enjeux de la prochaine élection présidentielle dépassent de loin ceux d'un scrutin ordinaire. C'est pourquoi il m'a paru nécessaire et urgent de porter à la connaissance du plus grand nombre ces faits révélateurs de la situation dramatique que vit le peuple de Guinée et de l'absence de perspectives pacifiques pour son avenir si l'Union européenne et particulièrement la France ne s'assurent pas du bon déroulement des prochaines échéances électorales. Il en va également de la stabilité du pays et de cette région.