Après deux jours de tension et d'affrontements, le mercure est retombé à Conakry où l'opposition a suspendu ses manifestations jusqu'à lundi prochain. Dans le même temps, le pouvoir se dit ouvert au dialogue, mais demande que l'opposition, qui exige l'annulation du nouveau calendrier électoral et l'arrêt des travaux de la Commission électorale avant toute négociation, ne vienne pas avec des préalables. Rappelons que l'opposition proteste contre le report des élections locales à mars 2016, soit après la présidentielle d'octobre prochain. De son point de vue, les locales doivent se tenir avant la présidentielle d'autant plus que cela fait pratiquement cinq ans qu'elles auraient dû avoir lieu. Pour elle, cette situation profite au président Condé qui veut bâtir sa victoire à la prochaine présidentielle sur les hommes qu'il a lui-même nommés aux postes des élus locaux.

En tout état de cause, si cette amorce de début de dialogue a l'avantage de décrisper la situation, elle n'en demeure pas moins chargée d'incertitudes face aux positions maximalistes et en apparence inconciliables des protagonistes. Toutes choses qui laissent sceptique sur les chances d'aboutissement à un dialogue fructueux. Aussi se demande-t-on jusqu'à quand cette trêve va-t-elle durer.

Comme on le voit, la Guinée est en train de renouer avec la violence qui caractérise chacune de ses élections. Et si l'on n'y prend garde, cette étincelle pourrait être à l'origine d'une autre grave crise électorale. Déjà, l'on compte des morts dont on aurait pu faire l'économie, suite aux manifestations de lundi dernier, si l'on avait privilégié le dialogue. Dans ces conditions, que nous réservent les jours à venir ? Mystère et boule de gomme, surtout dans un pays où la confiance n'est pas la chose la mieux partagée entre les leaders politiques qui se regardent toujours en chiens de faïence.

La situation en Guinée a de quoi inquiéter

De leur côté, les populations ne sont pas loin de crier leur ras-le-bol, face à l'incurie des leaders politiques qui passent leur temps dans des querelles byzantines pour le pouvoir, alors qu'ils sont incapables de trouver des solutions à leurs problèmes existentiels. Il faudra que les acteurs politiques guinéens rompent avec cette propension à exposer la vie des citoyens en recourant chaque fois à la rue pour régler leurs différends politiques. En cela, ils doivent arrêter de faire couler le sang des innocents et nouer un dialogue franc et sincère. C'est à ce prix qu'ils pourront sortir leur pays de l'ornière. Autrement, l'on aura le sentiment d'être dans un cercle vicieux, avec toujours les mêmes contestations et toujours les mêmes répressions sanglantes, sans que cela n'améliore véritablement le quotidien des Guinéens. Assurément, la démocratie guinéenne cherche encore ses marques. Malheureusement, la classe dirigeante semble n'avoir pas tiré toutes les leçons de son passé douloureux. Et d'autres innocents risquent encore de payer de leur vie à cause de l'intransigeance des leaders politiques.

C'est pourquoi la situation en Guinée a de quoi inquiéter car, cette accalmie ressemble fort à une veillée d'armes pour mieux reprendre les hostilités. En quelque sorte, il s'agit là d'un calme qui précède la tempête, d'autant plus que l'opposition prévoit, à la reprise, d'étendre le mouvement à l'ensemble du territoire. Au demeurant, ce n'est pas en allant à des négociations avec chacun un couteau dans le dos que les protagonistes se donneront les meilleurs gages de sortie de crise. Il faut aux Guinéens, un dialogue franc et sincère. Et pour l'intérêt supérieur de leur pays, chacun doit mettre de l'eau dans son vin, pour sauver l'essentiel : la paix sociale.

Par Outélé Keita