Ouagadougou — Les élections au Burkina Faso n'auront pas lieu avant novembre 2015. Les tensions politiques ont cependant déjà commencé à se faire sentir depuis plusieurs mois, car le président Blaise Compaoré est soupçonné de vouloir renouveler son mandat, après 27 ans au pouvoir, en contestant le résultat des urnes.
Une coalition toujours plus grande de groupes d'opposition et d'organisations de la société civile a organisé des rassemblements appelant au départ de M. Compaoré et promettant de créer une dynamique et d'imposer un changement. M. Compaoré n'a pas dit explicitement qu'il allait se représenter, mais le projet de référendum constitutionnel pour revenir sur l'article qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels est perçu comme un signe de son intention de se porter à nouveau candidat.
Pourquoi la demande de changement est-elle aussi forte ?
Les critiques de M. Compaoré affirment qu'il monopolise le pouvoir depuis bien trop longtemps. Ils opposent l'expérience du Burkina Faso avec celle de ses pays voisins comme le Bénin et le Ghana qui, loin d'être parfaits, sont au moins habitués à rejeter leurs dirigeants pacifiquement par les urnes. Des inquiétudes s'élèvent en outre à l'idée que M. Compaoré tente de désigner en successeur son frère François, un conseiller très influent aux intérêts commerciaux vastes et controversés.
« Blaise Compaoré veut être le roi du pays et ce n'est pas possible », a dit Smockey, rappeur converti en militant politique. « Nous utiliserons tous les moyens juridiques possibles pour l'arrêter ». Smockey - Serge Bambara de son vrai nom - est maintenant une personnalité de premier plan du mouvement Balai Citoyen, créé en 2013 pour mettre en avant les revendications des citoyens ordinaires et accentuer la pression sur le président.
M. Compaoré est-il prêt à passer la main ?
Âgé de 63 ans, le président s'est présenté en garant de la stabilité nationale et a promis de tenir le Burkina Faso à l'écart des crises qui ont frappé ses voisins. Il a en outre tenté de se forger une réputation de défenseur de la paix régionale en jouant le rôle de médiateur dans les conflits en Côte d'Ivoire et au Mali et en aidant à apaiser les tensions politiques au Togo.
M. Compaoré a exposé ses intentions avec parcimonie. Lors d'un entretien en 2012 avec l'hebdomadaire Jeune Afrique, dont le siège se trouve à Paris, M. Compaoré a dit que le Burkina Faso était devenu « un pays stable, uni et ouvert » et que ce qui préoccupait les Burkinabés c'était le développement de leur pays et le progrès.
Dans quelle mesure le Burkina Faso est-il un pays démocratique ?
Le Burkina Faso a été décrit par le passé par certains analystes comme un État « semi-autoritaire ». Malgré son parcours militaire, M. Compaoré s'est remarqué par une campagne soutenue en faveur du changement constitutionnel et des réformes politiques. Selon ses sympathisants, les principaux piliers de la démocratie sont en place : le pluralisme politique est bien établi ; la liberté de la presse est largement respectée ; une société civile prend rapidement forme et les défenseures des droits de l'homme, les syndicats et les militants contre la corruption peuvent exprimer leurs préoccupations ; l'État et les chefs traditionnels se consultent régulièrement, surtout en milieu rural ; et une commission indépendante a été instituée pour surveiller les élections.