Ismael Bah elyses FranceCe jour Lundi 02 Décembre 2019, J’étais là, sur le Quai Alexandre III.

Hommage national aux 13 soldats morts au Mali ce lundi aux Invalides. Ils sont morts en Afrique. Le président de la République Emmanuel Macron a présidé la cérémonie au cours de laquelle il a livré un discours brillant.

Cette impuissance des armées Africaines explique que, plus de cinquante ans après les indépendances, les Maliens comme les Centrafricains accueillent les militaires français comme des sauveurs. Un paradoxe relevé dès janvier après l’intervention française au Mali: Hier, nous nous plaignions de l’immixtion de Paris dans les affaires intérieures, aujourd’hui c’est nous qui en sommes actuellement demandeur. Drôle d’indépendance!

Emmanuel Macron a prononcé un éloge funèbre avant de leur remettre la Légion d’honneur à titre posthume, en présence du président malien Ibrahim Boubacar Keïta. Les cercueils des 13 soldats morts au Mali traversé le pont Alexandre III.

Treize cercueils drapés de bleu-blanc-rouge. La France a été confrontée aujourd’hui lundi 2 décembre à une funeste image de son engagement au Sahel des treize militaires tués dans la collision de deux hélicoptères au cours d’une opération de combat, dans le nord-est du Mali, et dont les corps ont été rapatriés dimanche. Ce lourd bilan humain a fait l’effet d’un électrochoc en France, dont l’armée n’avait pas subi de telles pertes depuis l’attentat contre le QG français Drakkar à Beyrouth en 1983, qui avait fait 58 morts. Leur mort a forcément relancé les questions autour de l’engagement français au Sahel, où la situation sécuritaire ne cesse de s’aggraver.

Éloge funèbre et Légion d’honneur

Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta assistera aux côtés du gouvernement français et des familles des soldats à cet hommage organisé dans la cour d’honneur de l’Hôtel des Invalides, à Paris, qui accueille depuis le XVIIe siècle vétérans et blessés de guerre et abrite le tombeau de Napoléon.

Étaient  présents les familles, des délégations militaires, le gouvernement, les plus hauts responsables politiques ainsi que les anciens présidents Nicolas Sarkozy, François Hollande et peut-être Valéry Giscard d’Estaing. Environ un millier de places sont également réservées pour le grand public, auquel il suffira de se présenter devant les portes des Invalides, ouvertes dès 13h30. Les Parisiens ont pu, auparavant se recueillir au passage des cercueils sur le pont Alexandre III depuis 11h30. Puis un écran géant a retransmis l’hommage sur l’esplanade des Invalides.

L’horizon de plus en plus plombé

Les deux hélicoptères transportant les 13 militaires sont entrés en collision alors qu’ils appuyaient des commandos parachutistes qui avaient repéré des pick-up suspects dans la zone frontalière avec le Niger et le Burkina Faso, une région servant de repaire à des groupes jihadistes affiliés à l’État islamique (EI) ou Al-Qaïda. Aucun des occupants n’a survécu. Les 13 soldats tués, tous officiers et sous-officiers, servaient au 5e régiment d’hélicoptères de combat (5e RHC), au 4e régiment de chasseurs (4e RCH), au 93e régiment d’artillerie de montagne (93e RAM) et à la Légion étrangère.

L’opération française Barkhane mobilise 4500 hommes dans la bande sahélo-saharienne, une étendue vaste comme l’Europe, pour lutter contre les groupes armés. Mais, après six ans de présence ininterrompue, et 41 morts côté français, l’horizon est de plus en plus plombé. Les violences jihadistes persistent dans le nord du Mali et se sont propagées au centre du pays ainsi qu’au Burkina et au Niger voisins. Les pertes sont de plus en plus lourdes pour les armées locales, débordées. Emmanuel Macron a annoncé jeudi vouloir réexaminer la stratégie des forces antijihadistes françaises au Sahel, dans un contexte sécuritaire explosif, et appelé les Européens à s’engager plus à leur côté. Le combat de la France au Sahel “relève du temps long”, a fait valoir dimanche la ministre des Armées Florence Parly dans un entretien au Journal du dimanche. Mais responsables et experts conviennent qu’il n’y aura pas d’issue au conflit du Sahel par la seule force des armes et sans action politique.

Les Africains peuvent-ils assurer leur propre sécurité?

L’Afrique est incapable de maîtriser pleinement son destin et, incapable  d’assurer pleinement par elle-même sa sécurité. Pourtant elle se dit indépendante depuis 1958, en 2019,  elles obligée de supplier la France dès qu’elle est en difficulté. Aujourd’hui,  l’engagement de la France sur deux fronts africains en moins d’un an -le Mali et maintenant la Centrafrique- pèse lourd sur les plans humain et financier: plus de 500 millions pour l’opération Serval, la mort de sept soldats au Mali, et deux en Centrafrique (RCA).

La France à l’aide

L’idée française de renforcer les capacités des Africains à se défendre par eux-mêmes n’est pas nouvelle. C’était aussi l’objectif, en 1998, du programme «Recamp» (Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix), qui visait à accroître les capacités militaires des pays africains à conduire des actions de maintien de la paix. Hélas, ça n’a jamais marché.

Une force régionale a bien été mise sur pied -Ecomog, le bras armé de la Cedeao- mais avec un succès relatif. Elle était intervenue au Liberia et en Sierra Leone dans les années 1990, mais elle était composée de pays à la fois juges et parties. Résultat, elle avait tué des civils et commis des exactions, au point que l’ONU l’avait considérée comme une faction combattante parmi d’autres», se souvient le chercheur.

Nombreux coups d’État

L’autre difficulté, c’est que les armées africaines nationales dépassent bien souvent leurs prérogatives. En Côte d’Ivoire, au Togo, en Guinée-Bissau, en Éthiopie, en République centrafricaine, au Tchad, au Soudan, en Angola, au Rwanda et dans de nombreux autres États africains, la démocratisation ou la consolidation de réformes politiques ont été fortement entravées par l’ingérence régulière des forces armées dans les affaires politiques et économiques. Les coups d’Etats se comptent par dizaines: au moins 68 ces soixante dernières années, ce qui donne au continent le triste record en la matière.

Mal entraînées, mal équipées, les armées africaines nationales sont aujourd’hui encore incapables d’assurer la sécurité sur leur territoire. Du coup, dans l’Afrique francophone, c’est l’armée française qui joue le rôle de l’armée nationale. Au Tchad, par exemple, une force militaire française est déployée depuis l’indépendance. Les armées nationales africaines ne sont pas autonomes et ne peuvent intervenir qu’en étant subordonnées à une force occidentale.

Cette impuissance des armées africaines explique que, plus de cinquante ans après les indépendances, les Maliens comme les Centrafricains accueillent les militaires français comme des sauveurs. Un paradoxe relevé dès janvier après l’intervention française au Mali: Hier, nous nous plaignions de l’immixtion de Paris dans les affaires intérieures, aujourd’hui c’est nous qui en sommes actuellement demandeur. Drôle d’indépendance!.

Isamël BAH

Président de l'ONG Guinée-Codéveloppement