Fort de la conviction que « le code est par excellence le nouvel alphabet du XXIe siècle », ce serial entrepreneur a créé à Dakar un centre de formation destiné aux enfants. Une illustration de l'Afrique qui anticipe les défis du futur. Apprendre à des enfants à surfer dans les codes est un enjeu majeur de présence de l'Afrique demain dans le numérique.

Demain est déjà là. Cela est vrai pour tous les défis que l'Afrique doit relever pour émerger et notamment sur les fronts scientifiques, technologiques et numériques. Le Continent en a pris conscience qui vient d'organiser à Kigali le Next Einstein Forum pour se mettre de manière autonome sur une bonne orbite scientifique. Ainsi, de manière coordonnée, l'échange d'informations et la réflexion sur les politiques de circulation et de transmission de la connaissance sont désormais dans les préoccupations des leaders africains. Ce qui est notable, c'est que sur le terrain, cette prise de conscience de la nécessité d'être à niveau dans le domaine numérique s'est déjà traduite par des initiatives concrètes. C'est le cas de celle du groupe Afrique Challenge dont la devise est « l'Afrique qui ose ». Celui-ci a ouvert à Dakar en janvier dernier un centre de formation de coding destiné aux enfants. C'était peu avant la conférence tenue dans la capitale sénégalaise sur le financement du Partenariat mondial de l'éducation coprésidé par les Chefs d'Etat de France et du Sénégal, Emmanuel Macron et Macky Sall. Pour Afrique Challenge, ce n'est rien d'autre qu'une manière de faire entrer les enfants dans un univers qui va bien les préparer à l'environnement numérique dont on sait qu'il va marquer, demain, tous les secteurs créateurs de richesses et à haute valeur ajoutée. Pourquoi cela est-il important ? Pour faire simple, il s'agit, au-delà de l'acquisition et de la maîtrise d'un langage indispensable pour se mouvoir dans le monde digital, de rompre ou, à tout le moins, de dépasser, les approches de l'enseignement classique qui font des apprentissages à ce type de langage informatique des bastions entourés de mythe.

Pour Alioune Guèye, PDG du groupe Afrique Challenge et à l'initiative de ce centre de formation dénommé Happy Coders Academy, on est dans une logique de « pédagogie inversée où ce sont les enfants qui essaient de répondre à des préoccupations et à des problématiques d'environnement, de santé, d'éducation… ». Son outil pour s'adapter à cette réalité et entamer la création d'écosystèmes numériques de qualité dans les pays du Sud ? Des programmes ludiques étudiés pour familiariser les plus jeunes avec le langage informatique et les secrets du code et de la robotique. Installé depuis plus de 20 ans au Maroc, Alioune Guèye donne corps, à travers cette école, à la concrétisation sur le terrain du dialogue Sud-Sud dans un domaine stratégique pour l'avenir de l'Afrique : l'éducation. C'est que ce quinqua a le souci de l'instruction, de l'éducation et de la formation chevillé au corps.

Le grand défi est aujourd’hui pédagogique et requiert un véritable big bang, dit Alioune Guèye (à gauche). Ici, il est avec Amadou Diaw, président et fondateur de l'emblématique Institut supérieur de management de Dakar, lors de l'inauguration de la Happy Coders Academy de Dakar fin janvier 2018. Docteur en sciences de gestion, né à Paris, d'un père officier de marine et d'une maman bretonne enseignante, Alioune Guèye connaît bien le Sénégal et notamment Dakar où il a grandi entre le collège de la Cathédrale et l'Institut Jeanne d'Arc. « J'ai été instruit parmi des Libanais, des expatriés et toute une diaspora subsaharienne présente, à l'époque, à Dakar », confiait-il au site reussirbusiness.com en 2015. Après une spécialisation en stratégie industrielle et un doctorat à la Sorbonne, le serial entrepreneur qui sommeillait en lui se réveille quand, à 27 ans, il décide de quitter un poste de directeur d'une école de commerce à Casablanca pour monter sa propre entreprise, Afrique Challenge Dirigeants, spécialisée dans le conseil exclusif aux dirigeants africains. Objectif : les accompagner dans la mise à niveau de leurs compétences. Aujourd'hui, à travers le centre Happy Coders Academy de Dakar, au-delà des nombreux forums organisés sur nombre de thématiques propres à améliorer les performances d'institutions privées et publiques, fort d'un portefeuille de près de 2 000 entreprises africaines, dont plus d'une centaine de grands comptes et d'une solide équipe d'experts et de consultants ayant formé plus de 10 000 personnes de près d'une trentaine de nationalités, le Groupe Afrique Challenge prend plus que jamais date pour mettre le continent sur une orbite de performance. Pour nous en décrypter la démarche, Alioune Guèye a répondu aux questions du Point Afrique.

Le Point Afrique : Quel a été le ressort de cette initiative du Happy Coders Academy ?

Alioune Guèye : Le point de départ a été la rencontre avec nos partenaires d'Happy Coders Academy qui existait déjà à Casablanca et qui rencontrait un vif succès au point de conduire à l'ouverture d'autres Labs à travers le Maroc. Vu l'expérience accumulée par le Groupe Afrique Challenge sur le continent ces 20 dernières années, nous sommes rapidement convenus d'étendre cette expérience aux pays de la Cedeao d'abord, puis au reste du Continent dans une seconde phase en nous appuyant sur les solides réseaux du Groupe Afrique Challenge. Lors de l'inauguration de la Happy Coders Academy fin janvier 2018, des enfants sont venus accompagnés de leurs parents.

Quelle est la philosophie qui la sous-tend du point de vue pédagogique ?

Il est vrai que, de prime abord, on peut penser que le coding, la programmation, la robotique, l'intelligence artificielle sont des activités ludiques pour nos enfants, en dehors des cours plus « classiques ». En fait, nous sommes bien conscients que le code est par excellence le langage des ordinateurs et le nouvel alphabet du XXIe siècle. Bien préparer nos enfants aux métiers du futur, c'est donc apprendre aux enfants à maîtriser ce nouveau langage. D'ailleurs, dans plusieurs pays européens, les objectifs de l'Éducation nationale ne se limitent plus à apprendre aux enfants à lire, écrire et compter, mais également à coder. L’enseignement du code s’accompagne d’une pédagogie très différente de celle d’une classe ordinaire. Ici, un intervenant de la Happy Coders Academy (à droite) et Alioune Guèye (à gauche) à Dakar fin janvier 2018. Dans nos Labs, l'enseignement du code s'accompagne d'une pédagogie très différente de celle d'une classe ordinaire. En premier lieu, l'environnement de travail est très coloré et favorise créativité, travail en équipe et curiosité. En second lieu, l'animateur n'a pas une posture de détenteur du savoir, mais, par un jeu subtil et stimulant de questions-réponses, il aiguise la curiosité des enfants et accompagne leur réflexion pour résoudre de manière logique et structurée des défis. Enfin, l'enfant n'est plus un consommateur de connaissances, mais devient acteur en coproduisant des solutions et en s'appuyant sur un ensemble de connaissances de base indispensable pour trouver des solutions. En somme, on est en présence d'une pédagogie inversée aux antipodes de la pédagogie qui prévaut encore trop souvent dans nos écoles et qui est aujourd'hui obsolète.