Maroc - Islam du milieu : Mohamed VI (re)passe à l'offensive. En vue de mieux partager les valeurs d'un islam tolérant, le roi Mohammed VI crée une Fondation des oulémas africains. Un signal de solidarité très fort.

Après sa création officielle par un décret royal (dahir) le 25 juin 2015, le roi Mohammed VI a inauguré ce 14 juin le Conseil supérieur de la Fondation. Trente et un pays d'Afrique subsaharienne y sont représentés. De quoi renforcer et pérenniser les liens religieux séculaires qui unissent le royaume chérifien et nombre de musulmans d'Afrique subsaharienne.

Fès au coeur du dispositif

C'est à Fès que le roi a présidé la cérémonie d'installation du Conseil, en présence de centaines de personnalités religieuses africaines. La cité millénaire de Fès est, en effet, le lieu de pèlerinage annuel de milliers de fidèles musulmans originaires de pays d'Afrique de l'Ouest et d'ailleurs, lesquels sont adeptes de la Tijanya. Chaque année, ils se rendent à Fès où ils font revivre les liens spirituels et humains tissés pendant des siècles entre le Maroc et cette partie de l'Afrique. Le roi Mohammed VI a expliqué les enjeux de la création de cette Fondation : promotion des valeurs de modération, tolérance et volonté de coexistence. « Notre décision de mettre en place cette institution ne fait pas suite à une contingence fortuite, pas plus qu'elle ne vise à réaliser des intérêts étriqués ou éphémères, mais procède plutôt d'une conception intégrée de la coopération constructive et d'une volonté de répondre concrètement aux demandes de nombre de pays africains frères en matière religieuse », a déclaré le roi Mohammed VI devant les oulémas, membres de la Fondation à la mosquée de l'université Al Qaraouiyine à Fès.

La volonté royale réaffirmée

« L'orientation africaine imprimée à la politique de Votre Majesté chérifienne n'est pas dictée par des considérations de politique de coopération conjoncturelle, se limitant à l'échange de biens et à la réciprocité d'intérêts, mais il s'agit d'une orientation multidimensionnelle, puisant sa spécificité des liens géographiques, des attaches de l'histoire, des substrats scientifiques et des sensibilités spirituelles adossées au partage, entre le Maroc et nombre de pays africains, des constantes religieuses et doctrinales », a poursuivi pour sa part le ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Taoufiq, seul Marocain à siéger au Conseil supérieur en sa qualité de président délégué.

« L'initiative royale d'instituer une entité visant à promouvoir la coopération africaine est d'un grand intérêt en ce sens qu'elle sert le développement des sociétés du continent, a souligné le président de la Coordination des Tijanes de Dakar, Cheikh Tijane Gaye, dans une déclaration à la MAP, l'agence marocaine, relevant que l'initiative du souverain chérifien permettra surtout de renforcer la paix dans le monde. Rappelant la situation qui prévaut dans certains pays arabes et africains, M. Gaye a qualifié l'initiative de Mohammed VI de très bénéfique, notant qu'elle intervient à point nommé. »

Le Maroc, haut lieu de la formation d'un islam du juste milieu

 

Le second objectif du Conseil supérieur des oulémas africains est d'oeuvrer en faveur de l'institution de centres et d'établissements religieux, scientifiques et culturels, de la revitalisation du patrimoine culturel islamique africain commun, en le faisant connaître et en œuvrant à sa diffusion, sa conservation et sa sauvegarde, outre l'instauration de relations de coopération avec les associations et les organismes poursuivant les mêmes objectifs. Dans ce sens, un institut de formation et d'orientation islamique a été créé à Rabat accueillant déjà des centaines d'imams et de prédicateurs marocains et étrangers. Ces derniers viennent notamment du Mali, du Sénégal et de nombreux autres pays subsahariens, mais aussi de pays européens. Dans ces cours, ils s'initient aux valeurs fondamentales de l'islam comme vécu et pratiqué au Maroc notamment la tolérance. Des cours plus techniques sont aussi donnés, avec un focus sur les nouvelles méthodes d'embrigadement sur le Web.

La Fondation : un pied dans chaque pays

À travers ses différentes filiales installées dans les pays africains, la Fondation œuvrera aux côtés de toutes les instances religieuses concernées pour  « répandre la pensée religieuse éclairée et faire face aux thèses d'extrémisme, de repli sur soi et de terrorisme que certains pseudo-prédicateurs colportent au nom de l'islam, alors que celui-ci n'a rien à voir avec elles », a souligné le souverain chérifien. 120 membres composent la Fondation dont les plus grands dignitaires, comme l'historien malien Mahmoud Abdou Zouber, connu pour avoir sauvé des manuscrits de Tombouctou de la destruction, ou encore le chercheur guinéen Abderahim Chiit Thani. Il compte également 17 femmes du Tchad, du Sénégal ou encore du Nigeria. Leur rôle est appelé à se renforcer dans les prochaines années, depuis que le Maroc a mis en place dans les années 2000 un enseignement spécifique qui leur est destiné. Institution apolitique, la Fondation ne se substitue à aucune instance officielle d'aucun pays et entend se consacrer à la promotion des valeurs de l'islam éclairé.