Ebola est un virus de la famille des Filoviridae naturellement présent dans les réservoirs animaux, notamment chez la chauve-souris des forêts tropicales africaines. Il contaminerait les autres mammifères de la forêt via les fientes des volatiles puis passerait à l'Homme lors de la chasse et du dépeçage de la viande de brousse. Quelles sont les caractéristiques de ce virus agressif ? Quels traitements et quelles préconisations pour freiner l'épidémie ? Les réponses de François Bricaire, professeur au centre d'immunologie et des maladies infectieuses (CIMI, UPMC/Inserm)

Comment se transmet Ebola dans la population ?

A l'inverse de la grippe, Ebola ne transite pas par les voies respiratoires mais est présent dans les fluides corporels (sueur, vomissements, selles...). Le sperme peut également en contenir pendant plusieurs semaines mais nous ne pouvons pas encore dire s'il est sexuellement transmissible. Il faut donc un contact très proche, direct et manuel avec un malade pour être contaminé. Petite sécurité supplémentaire, les personnes atteintes du virus ne sont contagieuses qu'après une période d'incubation de 10 jours en moyenne (2 à 21 jours selon les cas), lors de l'apparition des premiers signes de la maladie.

Quels sont les symptômes d'une contamination ?

Le malade ressent dans un premier temps une fièvre, même modérée, des courbatures, des maux de tête, quelques troubles digestifs et une atteinte pharyngée. C'est après que les choses se compliquent. Le patient peut rapidement être en proie à une insuffisance rénale et hépatique puis un dysfonctionnement de la coagulation sanguine. Il finit par présenter des saignements internes ou externes.

La forme qui frappe actuellement l'Afrique de l'ouest n'est pas très hémorragique. Elle provoque une forte déshydratation, une insuffisance hépato rénale, puis le décès.

Existe-t-il des traitements ?

Pour le moment, seuls les symptômes sont pris en charge et il faut réhydrater le plus tôt possible pour limiter l'évolution sévère de la maladie. Trois pistes de traitement contre le virus sont cependant à l'étude. La première utilise le sérum des convalescents. Lorsqu'une personne guérit d'Ebola, elle porte des anticorps actifs contre le virus. Réinjecter son sérum aux malades peut les aider à se rétablir. La deuxième piste, explorée par les Etats-Unis et le Canada, concerne la production artificielle et en laboratoire d'anticorps anti-Ebola (ZMapp). Enfin, les japonais proposent l'utilisation d'un médicament habituellement dirigé contre le virus de la grippe (Favipiravir). Les deux germes présentent des structures communes sur lesquelles la molécule peut agir. Une solution qui reste à l'étude car les concentrations nécessaires pour être efficaces sont plus importantes que pour la grippe et, par conséquent, les risques de toxicité plus importants.

Quid d'un vaccin ?

Il existe un candidat vaccin. Il utilise un virus - de type adénovirus - pour y fixer des antigènes (molécules caractéristiques) d'Ebola et provoquer, chez le receveur, la fabrication d'anticorps dirigés contre celui-ci. Ce vaccin est en cours de test ce qui implique d'étudier son efficacité et les problèmes de tolérance qui y sont liés. Une fois au point, il pourra être proposé dans un premier temps aux personnels de santé victimes du virus. Il faudra ensuite étudier la meilleure stratégie de vaccination dans les zones où Ebola est susceptible d'émerger.

Quelles mesures préconisez-vous face à la progression d'Ebola ?

Beaucoup de gens circulent entre la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone, alimentant ainsi l'épidémie. Il est donc impératif de coordonner les actions entre ces pays.

En tant que responsable des opérations internationales pour la Croix rouge française, et à la demande de l'Etat français, je me suis récemment rendu en Guinée pour rencontrer les acteurs locaux et faire des propositions visant à améliorer la situation. La Croix rouge française et Médecins sans frontières vont ainsi établir très prochainement un centre de soins au cœur de la forêt, là où sont les foyers de malades. Il est fondamental d'éviter que les malades n'arrivent à Conakry ou dans d'autres zones plus peuplées.

J'ai par ailleurs proposé dans cette optique de créer un autre centre de diagnostic et de soin sur la route qui mène à la capitale guinéenne. L'idée est de vider progressivement la ville du virus pour redonner confiance aux populations locales. Les gens doivent pouvoir se soigner à l'hôpital des pathologies courantes (paludisme par exemple) sans craindre une infection nosocomiale. Les investisseurs doivent quant à eux revenir dans une région déjà dévastée par la crise économique, où les risques insurrectionnels sont bien réels.