Un accord de cessez-le-feu a été signé entre les rebelles du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) et l’Armée malienne. C’était  le vendredi 23 mai dernier à l’issue de négociations conclues sous l’égide de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma). Il aura fallu pour cela pour cela au président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, moins de temps qu’il n’en a fallu au MNLA pour mettre en déroute l’armée malienne mardi passé. Depuis vendredi, les armes ne tonnent donc plus. Vite fait bien fait, peut-on alors s’exclamer.

C’est vrai que le président mauritanien connaît le terrain, et c’est à sa porte. Si les armes se sont tues, les questions, elles, se bousculent dans bien de têtes. Parmi celles-là, il y en a une qui taraude particulièrement les esprits : qui a bien pu donner l’ordre à ce millier de soldats maliens d’attaquer les bases touarègues à Kidal, après les incidents meurtriers suite à la visite dans la même ville du Premier ministre malien Moussa Mara ?

La question peut paraître aberrante, quand on sait que pour tout Etat, du moins digne de ce nom, l’envoi de troupe en guerre relève de la seule prérogative du président. Bien sûr après concertation minutieuse avec le commandement. Mais dans le cas présent, cette interrogation va de soi.  Et vous vous  en rendrez à l’évidence, stupéfiants.

Figurez-vous que sur les antennes de notre confrère RFI, le ministre en charge de la Communication, Mahamoudou Camara, a déclaré, à la surprise générale, que le président n’a pas été informé au préalable de l’offensive militaire contre le MNLA à Kidal. Si c’est vrai que le chef suprême des armées a lui-même été mis devant le fait, disons plutôt devant le forfait accompli, c’est qu’il y a quelque chose de pourri dans l’ancien empire du Mali. Et c’est gravissime. A moins que Mahamadou Camara n’ait usé de subterfuge pour protéger Ibrahim Boubacar Kéita d’une infamie.

En tous les cas, cette  débâcle de l’armée régulière face aux mouvement séparatiste illustre au grand jour le degré de déliquescence de la gardienne des institutions. Elle est aussi la preuve que les mesures de restructuration prises aux lendemains de l’occupation du Nord par les groupes armés sont loin d’avoir produit leurs effets sur la Grande Muette.

En réalité, la déroute de Kidal pose le problème de ces armées africaines que l’on sait suffisamment pléthoriques et budgétivores. Si elles arrivaient au moins à assurer les missions régaliennes qui leur sont confiées, on pourrait fermer les yeux sur certaines de leurs tares. Ce qui est loin d’être le cas. Et aujourd’hui, que ce soit au Mali ou ailleurs, la plupart des armées africaines brillent seulement par leur présence dans les défilés officiels, sont passées maîtresses dans l’art de faire des coups d’Etat, de châtier des civils ou d’officier dans des missions de maintien de la paix.

Les exemples sont légions qui illustrent l’incapacité, voire l’incompétence de certaines forces armées du continent dans la protection des institutions républicaines ou dans la garantie de l’intégrité territoriale de nos Etats. En Côte d’Ivoire, en 2002, il a fallu l’intervention de la France pour arrêter la progression des rebelles sur Abidjan. Et au dénouement de cette longue crise, il a fallu aussi l’intervention des mêmes troupes pour arriver à bout de Gbagbo.

 

Dans l’ancien Zaïre, les rebelles de Laurent Désiré Kabila sont parvenus à Kinshasa, ont occupé le trône vacant d’un président aux abonnés absents, sans combat notable avec les loyalistes. Des rebelles du M23, parlons-en : les troupes de Joseph Kabila pouvaient-elles les défaire sans l’intervention de la MONUSCO ? Et que dire du Tchad, en 2007, où les rebelles sont arrivés aux portes du palais présidentiel ? N’eût été le courage du président Idriss Déby, qui n’a pas cédé à la panique et a pris les choses en main, il est évident qu’on parlerait de lui au passé aujourd’hui. Sans oublier les cas libyens, centrafricains, etc.

«L'on pourrait multiplier les exemples de ces armées de parade, aussi remarquables les jours de défilé qu'inaptes sous le feu, aussi redoutables dès qu'il s'agit de taxer les véhicules qui s'aventurent aux abords de leurs barrages qu'incapables de tenir leurs positions sous la mitraille, souvent contraintes par carence et aboulie de sous-traiter les lignes de front avec des supplétifs incontrôlés», a fait rageusement remarquer Laurent Touchard sur le site en ligne de Jeune Afrique.

C’est un triste constat quand on passe les troupes en revue. Le triste spectacle d’une armée mal formée, sous équipée, démotivée et gangrenée par la corruption. Même les fameuses gardes prétoriennes, choyées et engraissées comme coqs en pâte, montrent très souvent leurs limites quand le danger se fait proche. Faut-il donc en arriver à la suppression de ces armées, comme le préconisent les plus extrémistes, à l’image de certains pays comme la Suisse et le Costa-Rica ? Certainement pas. En effet, pour cela, il faut tout d’abord être entouré par des nations très civilisées ; ce qui n’est pas le cas sous nos tropiques. Alors, s’il ne s’agit pas là d’une sage solution, il faudra peut-être repenser, et au plus vite, le mode de fonctionnement de la Grande Muette.

 Source: L'Observateur Paalga