Union africaine, un sommet sans grands effets

Le 29e sommet de l’Union Africaine (UA) s’est tenu les 3 et 4 juillet en Éthiopie. Parmi les grands sujets à l’ordre du jour, l’autofinancement de cette institution, sa gouvernance et la jeunesse africaine. Encore un sommet de l’Union africaine (UA) où l’on a beaucoup parlé sans noter des avancées notoires pour le continent. Au cours de cette 29e réunion des chefs d’État africains, trois sujets ont dominé les débats : son autofinancement, sa gouvernance et enfin, sa jeunesse.

L’autofinancement, une ambition sans grande volonté

C’est un vieux serpent de mer. Aujourd’hui, le budget de l’UA est assuré à 73 % par l’Union européenne et Pékin. Une situation que regrettent, officiellement, les chefs d’État africains. Pour remédier à cette situation peu honorable pour le crédit et l’autorité de cette institution, ils avaient décidé, en juillet 2016, de la financer en taxant les produits importés sur le continent, à hauteur de 0,2 %.

Las, un an plus tard, la mesure n’est toujours pas généralisée aux 55 États membres. En dépit des nombreuses envolées lyriques en faveur de l’impérieuse nécessité de s’autofinancer, la majorité des pays n’ont pas pris les mesures nécessaires pour y parvenir. Les poids lourds de l’économie africaine, comme l’Afrique du Sud et le Nigeria, y sont hostiles. Pourtant, les 15 pays de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) financent leur organisation par ce biais. Mais le modèle peine à s’étendre à l’ensemble du continent. C’est dans ce contexte que le président zimbabwéen Robert Mugabe a fait un don d’un million de dollars (879 000 €) pour financer l’UA : une somme tirée de la vente aux enchères de 300 têtes de bétail.

La gouvernance en marche

Autre sujet récurent des sommets de l’UA, l’efficacité de son organisation. Loin de constituer une cour homogène, cette assemblée est surtout marquée par la divergence des intérêts de ses membres. Des oppositions qui paralysent son fonctionnement et sa prise de parole comme en témoigne sa reculade sur le dossier burundais. Le comité de réforme de l’Union africaine piloté par le Rwandais Paul Kagame n’a pas apporté de solutions éclairantes sur ces blocages. Il a préconisé, cependant, quelques changements : proposer un sommet par an et non plus deux. Et constituer une troïka à la tête de l’UA composée du président sortant, du président en exercice et du futur président.

Au nom de la jeunesse

Une nouvelle fois, les chefs d’État africain se sont alarmés du sort de leur jeunesse. L’actuel président tournant de l’UA, le Guinéen Alpha Condé, a ainsi déclaré : « Investir dans cette jeunesse, c’est tout d’abord la rassurer de notre détermination à lui ménager un présent acceptable et un futur meilleur. C’est la convaincre que l’Afrique demeure son socle et sa mamelle nourricière. Il s’agit donc pour nous de mutualiser nos efforts en vue de créer un espace africain propice à l’épanouissement de cette jeunesse à travers la transformation essentielle de nos systèmes et des méthodes de gouvernance pour une meilleure prise de conscience de l’impératif de l’unité africaine, ainsi que l’interaction politique et économique du continent. »

 

Une adresse partagée par le roi du Maroc, Mohamed VI. Dans son message destiné à l’UA, il a rappelé : « Aujourd’hui près de 600 millions d’Africains et d’Africaines sont des jeunes. En 2050, 400 millions d’Africains auront entre 15 et 24 ans. Cette progression souligne l’urgence d’orienter le dividende démographique vers l’émergence du continent. » Et de poursuivre : « Chaque année plus de 11 millions de jeunes Africains font leur entrée sur le marché du travail alors que seuls 3 millions d’emplois sont créés. Plus de 70 % des jeunes Africains vivent avec moins de 2 dollars par jour. »

C’est pourquoi, a-t-il analysé, le continent « perd ses jeunes, par la migration légale ou illégale. Cette déperdition est injustifiable. Le destin de nos jeunes est-il au fond des eaux de la Méditerranée ? Leur mobilité doit-elle devenir une hémorragie ? Il nous appartient au contraire de la gérer pour en faire un atout. » Si tout le monde partage ce terrible constat, personne parmi les chefs d’État n’a encore trouvé le moyen d’assurer un présent et un avenir à sa jeunesse.

Lors du dernier sommet de l’UA, au mois de janvier, Alpha Condé avait déjà eu des mots semblables : « Il est de notre responsabilité commune d’améliorer les conditions de vie de ces jeunes en quête de lendemains meilleurs en dehors du continent et de mettre fin à leurs aventures suicidaires à travers le Sahara et les eaux de la Méditerranée. » Six mois plus tard, il ne dit toujours pas comment parvenir concrètement à cet indispensable objectif.

Laurent Larcher