Cela fait presque un an que le gouvernement planche sur cette réforme du code du Travail. Et jusqu'à la fin janvier, la méthode qui était la sienne depuis le début du quinquennat semblait fonctionner parfaitement. Le 1er avril 2015, alors que la majorité se débat avec la loi Macron, Manuel Valls missionne Jean-Denis Combrexelle, le M. Travail du Conseil d'Etat pour lui fournir des pistes de réflexion.

En septembre 2015, après avoir concerté tous les partenaires sociaux il remet un rapport au premier ministre avec une quarantaine de propositions. Mais pas question pour François Hollande de brusquer sa majorité ou les syndicats. "Le gouvernement exclut tout big bang sur le droit du travail", titre même le journal Le Monde. Preuve que l'Elysée et Matignon veulent avancer avec prudence, une nouvelle phase de concertation s'ouvre alors avec une mission confiée à l'ancien ministre socialiste Robert Badinter. L'ex-garde des Sceaux rend ses conclusions le 25 janvier dernier.

C'est à partir de ce moment-là que les choses se sont gâtées pour l'exécutif. Entre la présentation de ces pistes et la journée de mobilisation du 9 mars, l'exécutif a enchaîné les maladresses voire les fautes politiques. Après une phase de concertation et de réécriture du texte, Manuels Valls annoncera lundi les corrections apportées au projet, des annonces attendues au tournant. François Hollande prépare l’effet de surprise et "un texte nouveau", écrit à ce sujet le JDD, indiquant que le président de la République a supervisé dimanche la réécriture du projet.

Si le gouvernement avancera dès les premières heures de la semaine en terrain miné (Valls réunit les partenaires sociaux lundi à partir de 14h30 à Matignon pour leur dévoiler ses intentions), il devra veiller à ne pas répéter ces trois erreurs.

17-février : les surprises de l'avant-projet de loi

Mi-février, le gouvernement adresse un avant-projet de loi au Conseil d'Etat avec pour but de le présenter en conseil des ministres le 9 mars. La plupart des points sont négociés de longue date avec les partenaires sociaux. Seulement quelques dispositions, parmi les plus controversées aujourd'hui semblent comme rajoutées à la dernière minute à l'issue d'arbitrages faits non pas au ministère du Travail mais à Matignon.

Il s'agit pour la plupart de mesures poussées par Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie. Le plafonnement des indemnités prud'hommales est par exemple une reprise de la loi Croissance et activité, modifiée après une première censure par le Conseil constitutionnel. Mais la plus grosse nouveauté est la mesure sur les licenciements économiques, elle devait initialement avoir sa place dans une loi Macron 2 que le ministre avait lui-même appelé de ses vœux.

Seulement, pour ne pas encombrer l'agenda législatif, pour éviter une nouvelle fronde dans sa majorité et pour ne pas offrir une nouvelle fenêtre médiatique à Emmanuel Macron, l'exécutif a dilué les propositions du ministre de l'Economie dans plusieurs projet de loi dont celui de Myriam El Khomri. Au risque -et c'est confirmé aujourd'hui- d'ajouter des points de frictions à une réforme qui n'en manquait déjà pas.

 

18 février : Matignon fait agiter la menace du 49-3

Dans une interview au journal Les Echos, Myriam El Khomri défend l'avant projet de loi tel qu'il a commencé à fuiter dans la presse. "Il n'y a aucun recul des droits des salariés", affirme la ministre. Seulement ce ne sont pas les arguments de fond de la ministre qui font réagir. C'est une petite phrase contenue dans la dernière réponse qui pose le plus de problème à la majorité.

Quand on demande à la ministre si elle envisage de recourir au 49-3 (comme ce fut le cas pour la loi Macron), elle assure que si elle veut "convaincre les parlementaires", elle prendra ses "responsabilités".

Agiter la menace d'un nouveau passage en force du gouvernement n'était pas une idée de Myriam El Khomri mais de Manuel Valls. C'est Matignon qui, en relisant l'interview avant sa publication, a fait rajouter ces quelques mots. "La ministre n'a jamais parlé de 49-3", a confirmé son entourage au HuffPost. Mais le mal est fait et cette nouvelle tentative de caporalisation de la majorité est vue comme un affront de plus pour des parlementaires qui sortaient à peine d'une séquence très délicate sur la déchéance de nationalité.

29 février: Un recul mais pas de suppression

Face à la fronde, Manuel Valls accepte une première concession: reporter de 15 jours la présentation du projet de loi en conseil des ministres. Prévue ce mercredi 9 mars, elle aura finalement lieu le 24. Le premier ministre veut profiter de ces deux semaines pour rouvrir les négociations avec les partenaires sociaux et il annonce même des "améliorations" au texte initial.

Problème pour l'exécutif: les opposants les plus bruyants depuis la mi-février réclament le retrait du texte. Le gouvernement ne veut pas l'envisager; le premier ministre entend même ne pas revenir sur une seule des mesures présentes dans le texte. Le gouvernement entend tenir bon sur les dispositifs les plus controversées comme le plafonnement des indemnités prud'hommales ou l'assouplissement des conditions du licenciement économique.

Résultat, les premiers jours de négociations les 7 et 8 mars ont acté un statu quo et des écarts importants entre les requêtes de la CFDT et ce que le gouvernement est prêt à concéder. Le risque pour Matignon est désormais de voir le syndicat réformiste, son dernier allié, rejoindre le camp des plus radicaux qui ont manifesté dès le 9 mars.

Une nouvelle journée de grèves et de manifestations est fixée au 31 mars, à l'appel de sept syndicats de salariés (FO, CGT, Solidaires, FSU), d'étudiants (Unef) et de lycéens (Fidl, UNL). Ils se retrouveront jeudi en intersyndicale pour organiser leur mouvement.