De nombreuses élections présidentielles et législatives se sont tenues en 2015 ou se tiendront en 2016 sur le continent africain. Mais il est déjà aisé de constater au vu des campagnes électorales et des résultats qu'au lieu de grandes avancées de la démocratie électorale, c'est à une régression que l'on assiste.

Depuis des années, l'ONU, l'Union européenne et les différentes institutions internationales ont favorisé le respect de constitutions prévoyant la limitation du nombre de mandats, la mise en place de commissions électorales nationales indépendantes, de mécanismes de recensement biométrique des populations, afin de rendre les processus électoraux plus transparents et moins contestables. Or, à quoi assistons-nous aujourd'hui?

Modifications de la constitution, arrestations des opposants, énièmes mandats

Au Burundi, le Président Pierre Nkurunziza n'a pas respecté la constitution et s'est fait réélire pour un troisième mandat au prix de terribles violences, et en maintenant le pays sous répression militaire.

En Ouganda, Yoweri Museveni, candidat pour un cinquième mandat, a fait arrêter pour la quatrième fois son principal opposant qualifié pour le second tour, Kizza Besigye.

Au Congo, après l'organisation, en quinze jours, d'un référendum pour modifier la constitution, Sassou N'Guesso, après trente-deux ans de présidence, s'apprête à effectuer un nouveau mandat...

Au Bénin, un "haut fonctionnaire-banquier", Lionel Zinsou, parachuté par Paris comme Premier ministre, brigue la magistrature suprême le 6 mars pour, peut-être, permettre au Président sortant Boni Yayi de faire un nouveau mandat comme Premier ministre dans un remake africain de "Poutine-Medvedev"...

Lionel Zinsou n'a même pas pris la peine de démissionner de sa fonction de Premier ministre, comme le lui enjoint le code électoral béninois dans le cadre de sa candidature à l'élection présidentielle. Quelle régression démocratique que celle de cet enfant de la république française et du sérail socialiste, qui, au lieu d'être exemplaire, devient acteur et caution des pires pratiques électoralistes...

Mascarade démocratique et pratiques colonialistes

Face à cette affligeante mascarade démocratique, les autorités françaises comme l'Union européenne ont fait preuve d'un silence assourdissant. Heureusement, pour sauver l'honneur, s'est fait entendre un ancien ambassadeur de France au Bénin, dénonçant dans une lettre ouverte, avec courage et pertinence, cette situation ubuesque qui n'a eu pour résultat que de dresser l'essentiel de la classe politique béninoise contre Paris, accusé de pratiques colonialistes.

Au Niger, situation tout aussi ubuesque! Le Président Issoufou a fait mettre en prison, dans le cadre d'une affaire montée de toutes pièces et dont les différents protagonistes sont en liberté, son principal et charismatique opposant, Hama Amadou. Ce dernier est resté emprisonné alors que la Cour Suprême a autorisé sa candidature et que celui-ci est sous la protection de l'article 72 de la Charte de la CEDEAO. Le Président sortant, malgré un désaveu des deux tiers de sa population, l'opposition de deux anciens chefs de l'Etat et des grands partis politiques du pays, a fait plus de 48% des suffrages au premier tour. Notons qu'il avait osé introduire le "vote par témoignage" (dont chacun peut imaginer la fraude qu'il autorise), refusé les cartes d'électeurs biométriques et disposait d'une CENI (Commission Électorale Nationale Indépendante) à sa main.

S'engage désormais un deuxième tour avec un Président disposant de tout l'appareil d'Etat et d'un challenger en prison... Les dirigeants français et européens sont là-aussi restés d'un silence remarquable, interprété par les populations comme de la complicité.

L'instabilité politique plus dommageable que l'alternance politique

Quant à l'Union africaine, ses silences, complaisances et revirements la disqualifient durablement. Il est vrai que les pays se situant en zone de guerre contre AQMI, Boko Haram ou l'Etat islamique (EI) peuvent plus facilement s'affranchir des règles démocratiques, leurs "parrains" considérant que l'instabilité politique est plus dommageable que l'alternance politique. Même si des processus électoraux se sont bien déroulés au Ghana, au Togo, au Nigéria et en Côte d'Ivoire, comme on le voit, tant d'années de luttes démocratiques pour de tels résultats ne peuvent que rendre pessimiste sur l'avenir de la démocratie africaine.