Avec un tel nom, cela ressemble à une compétition sportive. D'ailleurs, on l'appelle également le SEC Tuesday, ce qui est une référence au championnat de football dans Sud des États-Unis: la SouthEastern Conference, dont font partie plusieurs États concernés par le vote de mardi: le Texas, l'Arkansas, le Tennessee, l'Alabama et la Georgie.

L'histoire du Super Tuesday

Le but du Super Tuesday est d'encourager les candidats à passer du temps dans une même région, principalement dans le Sud, qui gagne ainsi en importance dans le processus de sélection. Il y a des Super Tuesdays depuis 1984. Cette année-là il y en eut d'ailleurs 3. Les Super Tuesdays concernaient à chaque fois 5 États. En 1988, c'est une date unique qui a retenu toute l'attention, à savoir le 8 mars, parce qu'on vota alors dans 9 États du Sud. Mais c'est en 1992 que la légende du Super Tuesday est née, quand Bill Clinton est sorti vainqueur de cette confrontation et a gagné la plupart des États du Sud, après avoir été perdant dans les premières primaires. On l'a alors surnommé le "survivant" (Back from the dead). Il gagna ensuite la nomination et fut finalement élu président des États-Unis. En l'an 2000, Al Gore et George Bush ont chacun remporté ce Super Tuesday dans leurs partis respectifs et furent également désigné comme candidat à la fin. L'importance de cette journée est devenue telle que de plus en plus d'États souhaitent y participer. En 2008 on en compta 24, soit près de la moitié des États américains, et on l'appela le Super Mega Tuesday ou le Super Duper Tuesday. En 2012, enfin, c'est ce jour-là que Mitt Romney fit la différence, même si Rick Santorum réussit à emporter trois États et qu'il put ainsi faire illusion un mois de plus encore.

C'est le 1er grand test dans la campagne

Mardi prochain, onze États sont appelés à voter du côté des démocrates et 13 du côté des républicains. Les États en commun sont, si vous vous situez sur une carte, de l'est vers l'Ouest, la Virginie, la Georgie, l'Alabama, le Tennessee, l'Arkansas, l'Oklahoma et le Texas, en ce qui concerne les États du Sud. Mais on trouve aussi, plus à l'Ouest, le Colorado, ou plus au Nord, le Minnesota, et à l'Est le Vermont et le Massachusetts. Pour les Républicains, on y aura également le Wyoming, le Dakota du Nord et l'Alaska, ces trois États organisant d'ailleurs des Caucus, et non pas des Primaires.

Quoi qu'il en soit, c'est la plus grande distribution de délégués qui sera organisée en une seule journée. Car pour gagner la nomination au sein d'un parti et avoir le privilège de la représenter dans l'élection présidentielle, les postulants doivent obtenir 2382 délégués du côté des démocrates (il y en a 4763 au total) et 1236 chez les Républicains (il y en a 2472 en tout). Or, ce jour-là, 595 délégués seront distribués côté Républicain (soit 24%) et 1004 du côté des Démocrates, soit près d'un-tiers du total nécessaire pour gagner (21% précisément).

C'est pourquoi cette journée peut couronner un candidat dans chaque parti, vraisemblablement Donald Trump et Hillary Clinton, ou leur assurer un grand pas en avant vers la nomination.

Et les autres États?

 

Les États de l'Ouest se plaignent que le choix du candidat leur échappe. En réalité, la course vers la nomination se poursuit après ce Super Tuesday et, lorsque la sélection est très disputée, le processus peut durer jusqu'à fin. Il se terminera le 14 juin à Washington et les délégués se réuniront ensuite dans une convention (une par parti), qui seront organisée à Cleveland pour les Républicains et à Philadelphie pour les Démocrates, à la fin du mois de juillet. Si aucun candidat n'a réussi à accumuler le nombre requis de délégués, c'est alors la convention qui choisira le candidat.

Après les quatre premières confrontations, Hilary Clinton peut déjà compter sur 111 délégués alors que Bernie Sanders reste à la traîne avec 66 délégués, côté démocrates. Chez les Républicains Donald Trump mène avec 82 délégués déjà acquis, suivi par Ted Cruz (17), Marco R ubio (16), John Kasich (6) et Ben Carson (4).

Le Texas sera le trophée du Super Tuesday

A noter qu'un Etat sera plus intéressant à gagner que tous les autres: au Texas il y a 155 délégués pour les Républicains et 252 pour les Démocrates, alors qu'on peut en récolter en moyenne une cinquantaine dans les autres États (à peine 16 dans le Vermont). Or, dans la course telle qu'elle se déroule en 2016, le Texas sera un trophée très convoité. C'est en effet un enjeu de taille, notamment pour Ted Cruz et ses chances de poursuivre cette campagne. Dans son propre Etat, on attend de lui qu'il fasse un gros score. Rien de moins.

Les délégués seront attribués à la proportionnelle dans cet Etat, avec un premier niveau d'attribution en fonction du résultat pour l'ensemble de l'Etat, réparti entre tous ceux qui auront obtenu un minimum de 20%, les autres délégués étant répartis en fonction des résultats dans les circonscriptions (3 délégués font office de Super-Délégués et ne révèleront pas leur choix avant la convention).

Si Ted Cruz ne recueille pas au moins 2/3 des délégués du Texas, ce sera un échec pour lui et pour sa campagne, d'autant qu'il a le soutien du gouverneur actuel, Greg Abott, ainsi que de l'ancien, Rick Perry. Donald Trump ne s'y est pas trompé: son but ici n'est pas de gagner mais de mettre suffisamment à mal un de ses deux principaux concurrents et de l'éliminer du jeu. Il n'aurait plus alors qu'à affronter Marco Rubio et pourrait s'assurer très rapidement la victoire finale, certainement dès le 15 mars. Car, cette année, ce n'est pas le Super Tuesday qui sera la date-clé. Il faudra attendre encore 15 jours, avec un vote qui sera déterminant dans trois États: la Floride, l'Illinois et l'Ohio.

Jean-Eric Branaa :

Maître de conférences à l’université de Paris II Assas