Le programme Lumière pour tous a permis, depuis sa phase expérimentale en novembre 2015, de distribuer des lampes solaires à 1 200 écoliers au Bénin. La cérémonie était prévue en décembre 2015, elle a finalement eu lieu le 11 février 2016. Ce jour-là, le président béninois Thomas Boni Yayi a procédé au lancement officiel du programme « Lumière pour tous » à l’école primaire publique de Dekoungbé, dans la banlieue populeuse de Godomey, très touchée par de récurrents problèmes de délestage électrique. « Ce programme permettra la distribution de lampes solaires à tous les écoliers du primaire et les élèves du secondaire et garantira l’électrification de tous les ménages », a déclaré le chef de l’Etat après que les 1 200 scolarisés de cette école ont reçu chacun leur lampe solaire.

Financé à hauteur de 42 milliards de francs CFA (environ 65 millions d’euros) par des partenaires techniques et financiers, ce vaste programme initié par le premier ministre, Lionel Zinsou, ambitionne de permettre à toutes les familles du Bénin d’accéder à une capacité énergétique minimale en moins de six mois. Au Bénin, 75 % de ménages vivent dans des zones n’ayant pas accès à l’énergie électrique.

Le programme a une composante sociale, qui consiste à distribuer des lampes solaires d’entrée de gamme à un maximum d’écoliers. Le modèle a une luminosité de 33 lumens et une autonomie de quatre heures. Il coûte 5 000 francs CFA (environ 8 euros) et est fabriqué par l’entreprise américaine D-light, l’une des partenaires du programme. A ce jour, 20 000 lampes ont été distribuées dans 66 écoles. 90 000 lampes supplémentaires sont en attente d’être distribuées. L’objectif, selon les responsables de l’opération, est de distribuer 4 millions de lampes solaires en six mois dans les écoles du Bénin.

De meilleurs rendements scolaires

Moise, élève en classe de CM2, est parmi les écoliers ayant reçu des lampes solaires lors de la phase pilote du programme, en novembre 2015 à Avlékété, une bourgade située à plus de 30 km de Cotonou en longeant la côte et déconnectée du réseau de distribution national. Jusque-là, l’écolier, après les classes et les travaux domestiques, révisait ses leçons avec des lampions à fuel, à la clarté limitée. « Etudier demandait un effort encore plus grand. Quelques fois, le fuel se renversait sur nos affaires », racontait l’écolier.

Trois mois plus tard, Éric Bokossa, le directeur de l’école Assion Pognon que fréquente Moise, témoigne que les résultats scolaires de ce dernier ainsi que celui de ses camarades du CM2, se sont améliorés. « Nous aurons les premiers tests de l’année en mars. Cela confirmera si les écoliers sont meilleurs. Mais je peux déjà affirmer qu’ils réagissent mieux en classe », affirme-t-il confiant.

Le directeur a incité ses élèves à travailler en groupe à la maison, après l’école. Les uns peuvent désormais braver l’obscurité pour se rendre chez les autres pour les révisions. Ce qui était difficile avant, « étant donné que les hameaux sont éloignés les uns des autres et que les dangers sont nombreux si la voie n’est pas suffisamment éclairée. Les parents sont aussi enchantés. Et ils viennent le témoigner tous les jours à l’école », explique l’enseignant.

Au Bénin, 75 % des ménages vivent dans des zones n'ayant pas accès à l'énergie électrique.

Lors de cette même phase pilote, près de 250 familles dans le nord du Bénin, selon le premier ministre, ont reçu des picots solaires constitués d’un port de recharge de portable, un petit panneau solaire et une lampe d’une luminosité maximale de 160 lumens (équivalant à 21 watts) avec une autonomie de six heures. C’est l’américain Sunking, autre entreprise partenaire du programme, qui en est le fabricant.

« Accessible, de bonne qualité et à moindre coût »

Actuellement distribué par l’entreprise Inets Sogeres, à Cotonou, le modèle coûte 21 500 francs CFA (33 euros) et s’écoule déjà bien sur le marché. « Nous avons d’excellents retours. La première boutique de notre entreprise a ouvert en janvier mais nous sommes déjà à plus de 25 000 exemplaires vendus », a confié Volker Heeze, ressortissant allemand vivant au Bénin depuis plus d’une dizaine d’années, patron de l’entreprise de distribution.

L’entreprise commercialise aussi des kits domestiques toujours de marque Sunking, comportant 3 lampes, 3 interrupteurs et 17 mètres de câbles. Ce modèle coûte 80 000 francs CFA (123 euros). Tous les modèles de kits solaires et lampes sont certifiés par la Banque mondiale, qui accompagne le programme « Lumière pour tous », sous le label Lighting Global et sont garantis deux ans. « “Lumière pour tous” apporte la preuve que l’énergie solaire peut être accessible, de bonne qualité et à moindre coût », explique Quentin Sauzay, coordonnateur français du programme.

Le programme prévu pour durer trois ans, a aussi une composante commerciale qui permettra d’appuyer les distributeurs en facilitant leur accès aux prêts bancaires, dans l’idée de développer le secteur solaire au Bénin. Mais les banques locales n’ont pas l’expertise pour financer des projets sur les énergies renouvelables et ne veulent pas prendre le risque.

La Deutsche Bank, la plus grande banque allemande, qui ne dispose d’aucune filiale au Bénin, promet de mettre à disposition une ligne de crédit dont le montant n’a pas encore été déterminé, pour accompagner les banques locales sur ce type de marché. Cette ligne de crédit pourra aussi permettre à de gros équipementiers solaires comme l’allemand Mobisol ou le français Suna de venir implanter leur technologie au Bénin. Contact a été pris avec le premier ministre Lionel Zinsou, candidat du parti au pouvoir à l’élection présidentielle du 6 mars prochain.

Pallier le déficit énergétique au Bénin

L’entreprise Mobisol a déjà fait ses preuves en Afrique de l’Est en Tanzanie et au Rwanda où plus de 40 000 foyers ont été équipés de leur système solaire avec un dispositif de remboursement via paiement mobile. « Notre système solaire est composé de 4 lampes, un téléviseur Led de 24 pouces, un ventilateur et une plate-forme de dix ports de recharge de portable qui sert à une activité génératrice de revenu. le tout est alimenté par un panneau solaire de 120 watts », explique Thomas Duveau, directeur de développement du franco-allemand de Mobisol qui a installé un démonstrateur dans un ménage du village Agbanzin Tokpa, dans la commune de Ouidah.

Dans le cadre du programme « Lumière pour tous », le rôle de Mobisol ou de Suna sera d’équiper des milliers d’écoles ou des ménages de système solaire, qui paieront le service grâce à des microcrédits contractés auprès d’institutions financières nationales comme le Fonds national de microfinance (FNM). Le programme prévoit aussi l’installation de plusieurs mini-centrales solaires pour pallier le déficit énergétique estimé à plus de 200 mégawatts au Bénin.

Mais, pour l’heure, c’est l’aspect économique que loue le père de Moise qui est jardinier. « Les lampes solaires me permettront de faire des économies sur l’achat du fuel et d’acheter de l’engrais, histoire d’améliorer mes récoltes et agrandir mon jardin. »