Plus d’un mois après le scrutin présidentiel en Guinée, des choses ont été dites, des accusations ont été faites et l’avenir du pays reste une préoccupation majeure. ZONEAFRIQUE.NET  a interrogé le secrétaire exécutif du parti de l’union des forces républicaines (UFR). Dans une interview à bâton rompu, Baidy Aribot se marre sur la politique, l’UFR, la CENI, la révision de la constitution, le profil du prochain PM, le gouvernement, etc.

ZONEAFRIQUE.NET : Quelle leçon tirez-vous du scrutin présidentiel du 11 octobre 2015 ?

Baidy Aribot : Ça a été un scrutin très mal organisé par la commission électorale nationale indépendante –CENI-, d’où la contestation de la part de tous les candidats. Même le candidat victorieux à travers son parti avait dénoncé certaines irrégularités constatées. Cela étant, certains candidats ont décidé de porter leur contestation devant la cour constitutionnelle qui a rendu son arrêt, et un candidat est sorti vainqueur de ces élections. Aujourd’hui, nous qui avons été les candidats malheureux avons tiré les leçons de ces élections. Nous pensons qu’il est temps qu’on travaille sereinement sur la situation de cette Céni et sur le processus électoral afin que ça ne soit pas toujours le même train-train.

Qu’on ne parle pas à cette Céni, qu’elle fasse semblant d’entendre ce qu’on a dit, et le jour du scrutin, elle fait autre chose qui ne va pas dans le sens d’arranger le pays. On a peur que ça ne soit une situation qui puisse mener un jour dans des problèmes difficiles à gérer.  Je pense que la  manière de travailler et de gérer, de cette Céni est à revoir. Honnêtement, on s’attendait à tout au sortir du scrutin du 11 octobre, sauf ce que cette institution a offert à ces élections.

ZONEAFRIQUE.NET : Concrètement, que proposeriez-vous pour la correction de la CENI ?

B-A : Il faut un débat, et je pense que le sujet sera porté devant l’Assemblée Nationale parce qu’il n’y a plus d’enjeu. Il ne reste que les élections communales. Il va falloir revoir la Loi sur la Céni, la Loi sur le processus électoral et mettre les représentants des partis politiques qui sont à la Céni devant leur responsabilité. Il faudra leur dire que ce pays ne peut pas continuer à vivre dans des contestations électorales à chaque fois. Ce n’est pas normal. Quand une démocratie doit évoluer, ça doit être de la même manière, et surtout sa crédibilité dépendra de la manière dont lés élections se déroulent dans cette démocratie. Alors que nous voulons évoluer vers une démocratie libérale et compétitive, il va falloir y mettre des moyens, que ceux qui sont chargés de gérer le processus électoral soient responsables d’une certaine hauteur par rapport aux enjeux politiques. Ce pays est fragile sur le plan social. Il ne faut pas se leurrer et il ne faut pas que certaines manières de faire conduisent la Guinée dans une situation irréparable. Je pense qu’il faut prendre les choses en main.

ZONEAFRIQUE.NET : L’opposition était consciente des problèmes qui menaient le processus électoral avant le scrutin. Vous êtes partis et vous avez perdu. N’êtes-vous pas tous responsables de votre propre sort ?

 

B-A : Quand vous parlez comme ça, vous essayez de replacer le problème ailleurs. L’opposition dont on parle, ce sont des partis, ce aussi toute personne opposée au système. Aujourd’hui vous avez des partis qui sont vraiment opposés au système en place dont l’UFR et les autres partis alliés. On n’a pas ce qu’on a voulu faire, on n’a pas ce qu’on pensait être notre combat pour le bien de ce pays. Raison pour laquelle, nous avons signé des accords politiques pensant que les mentalités des gens ont évolué. Il y a le contenu des textes, mais ce qui est grave en Guinée, vous avez la mentalité de ceux qui sont chargés de faire appliquer ces textes.

Aujourd’hui, quand vous vous engagez devant l’opinion que vous allez travailler dans le sens des accords conclus, qu’au lendemain de la signature de ces accords vous voyez les gens chargés de les appliquer, font fie de tout ce qui s’est passé dans ce pays, on se rend compte que le pays a des problèmes. En voyant des gens se comporter de la façon dont j’ai vu pendant ces élections, notamment en ce qui concerne la Céni, ça veut dire que la Guinée a un sérieux problème de ressources humaines. Vous comprenez que l’élite a une certaine façon d’aggraver la situation du pays. C’est là le problème.

Il ne faut pas dire que l’opposition ayant signé a été faible. Elle a été forte parce qu’elle a privilégiée l’intérêt de la Guinée, la quiétude sociale. Si on était allé au bras de fer, certainement aujourd’hui on n’allait pas connaître le lendemain que nous vivons aujourd’hui. C’est l’opposition qui a privilégié le bien de ses populations. Ce n’est pas la manière que la céni a faite qui dot être considérée comme duperie ou qu’ils ont été plus malins que nous. Ce n’est pas un beau jeu ça, ce n’est pas politiquement correct. Je pense que c’est ceux qui ont mis leurs considérations partisanes de côté, qui sont allés vers quelque chose de consensuelle, doivent être félicités. Je pense qu’en signant les accords, c’était ça la vision qu’on avait. On ne peut pas nous considérer comme des gens qui ont été faibles.

Aujourd’hui, si nous avons eu ce qu’on a comme acquis en matière de respect de loi et en gouvernance politique, c’est le combat que les partis mènent. Nous n’avons pas atteint l’objectif, c’est vrai qu’il reste beaucoup à faire, ce vrai nous n’avons pas eu ce que nous voulons dans sa globalité, mais nous avons réussi à préserver certains acquis. C’est un processus et le chemin est encore long.  Il faut que l’élite accepte de prendre ses responsabilités, que les politiques –mouvance et opposition- aillent dans le sens  de regarder l’intérêt des guinéens, faire en sorte qu’il n’y ait pas de quiproquo dans l’application des règles de droit qui sont supérieurs à tous.

ZONEAFRIQUE.NET : Quelles sont donc les perspectives pour l’UFR et l’opposition ?

    B-A : L’UFR est aujourd’hui dans la dynamique d’apaiser la situation politique et les tensions qui ont prévalu avant les élections. Nous sommes dans la dynamique de voir comment il faut prendre en considération l’intérêt supérieur de la Guinée. Comment les guinéens peuvent revivre dans la quiétude, la paix, et faire en sorte que les gouvernants pensent à eux. Qu’ils donnent aux citoyens un environnement et les moyens qui les permettent de mieux vivre. Je crois que c’est le souhait des populations. On ne va pas passer tout notre temps dans des contestations politiques politiciennes. Il faut évoluer et je crois que dans ça, l’UFR se met cette position de parti de proposition, de dialogue et de parti ouvert à tous ceux qui peuvent amener la paix et la quiétude dans le pays.

 

ZONEAFRIQUE.NET : Dans plusieurs structures, des voix se lèvent pour exiger une refonte de l’opposition. Que répondez-vous à ceux qui veulent que des jeunes occupent désormais le leadership des partis politiques ?

B-A : Il faut que les gens arrêtent de personnaliser le problème des partis, du combat politique et des leaders politiques. Le changement qualitatif ou la recomposition de l’opposition dépend du contexte dans lequel nous évoluons. Ces leaders ne sont pas responsables de la situation du pays. C’est le contexte qu’ils sont en train de gérer qui les ont mis dans cette situation là. Tous sont en train de se battre, soit pour faire gagner leur parti leur des élections, soit pour faire évoluer les choses dans ce pays. Il n’y aura pas un leader qui investi dans son parti pour aller à des élections pour perdre ou faire plaisir à un adversaire. C’est une façon de voir qui n’est pas du tout responsable.

ZONEAFRIQUE.NET : Sept candidats étaient opposés à Alpha Condé au dernier scrutin présidentiel. Cela ne l’a pas empêché de gagner haut la main dès le 1er tour. Quels sont d’après vous les « atouts » qui lui ont permis d’être victorieux ?

B-A : Il est là depuis 5 ans. Il dispose des énormes moyens, institutionnels, financiers, humains. Il ne faut pas perdre de vue qu’il a vécu 40 ans l’opposition et qui connaît à peu près comment l’opposition fonctionne de l’autre côté. Il n’est pas arrivé à la tête du pays comme quelqu’un de parachuter. Il a tiré les leçons des différentes élections passées. Je crois qu’il s’est préparé en fonction de ça avant les élections proprement dites. Il s’est mis tous les moyens de côté pour gagner ces élections la manière dont il a gagné. Il a personnellement géré sa réélection.

    Je pense que c’est Alpha Condé lui-même qui a fait sa réélection. Certes, certains sont venus auprès de lui pour l’assister, mais il faut que les gens arrêtent. Nous savons ce qui s’est passé sur le terrain. C’est Alpha qui a fait ces élections. Il l’a fait de manière politique, parce que certainement il était en avance sur nous –opposition- sur le plan stratégique, psychologique, financier.   Il était très en avance sur nous parce qu’il dispose des moyens que nous n’en avons pas. Il a su procéder dans l’application stratégique par un casting très bien huilé. Ça montre qu’il avait un tink-tank  derrière, qui avait tous les paramètres du processus électoral qui l’a mis en route de manière intelligente. Ce n’est pas que nous n’avons pas était intelligent, mais les moyens diffèrent et puis toute chose étant égale par ailleurs. On n’avait pas les mêmes forces que lui –Alpha Condé-.

ZONEAFRIQUE.NET : Réélu, l’investiture du Président Condé se tiendra en deux temps -14 et 21 décembre-. Une situation dénoncée par les juristes qui parlent de violation de la constitution. Votre analyse en tant que député ?

B-A : Ce n’est pas comme ça je vois la chose. Il faut dire clairement que notre constitution est ambigüe sur les dispositions transitoires concernant cette période postélectorale. Quand je lis ça, je trouve qu’on parle d’une élection d’un Président élu et non réélu. En ce moment, les périodes de trois mois suffisent pour le Président sortant afin de préparer son départ en soumettant les gros dossiers à son successeur. On donne la possibilité à celui qui a été élu de se préparer à la charge que le peuple l’a donné. Ici, on est dans une sorte de réélection. Si les gens interprètent cette constitution de manière différente, ce qu’il y a aujourd’hui une ambigüité, donc une raison de plus de revoir les textes constitutionnels concernant cette disposition.

 

Il faut voir dans quel contexte cette constitution a été mise en place parce qu’elle n’a pas été votée, et qui sont ceux qui l’ont élaboré. Ce  ne sont pas des constitutionnalistes avérés, même si je leur reconnais le travail abattu. Mieux, le processus qui a vu la mise en place de cette constitution n’était pas légitime. Il faut qu’on revienne aujourd’hui sur cet état de fait ; on a un Parlement qui peut se pencher à ça. Tout ce qui est lié à des problèmes de loi et qui entrainent un certain comportement de mauvaise gouvernance, doivent être remis en cause. Il y a beaucoup d’ambigüité dans cette constitution qu’il faut revoir. Si non, on ne peut pas rester dans un pays trois mois sans que les gens aient une visibilité de l’avenir.

ZONEAFRIQUE.NET : L’appendice de modification de constitution liée au problème de mandat gagne plusieurs pays africains. N’avez-vous pas ou n’êtes-vous pas en train de prôner à ça en Guinée ?

    B-A : Non, non ! Je ne suis pas dans cette perspective là. On ne peut pas, même si moi je suis partisan de la révision de ce qui est facteur de blocage de la démocratie, mais je suis catégorique que la modification de mandat n’est pas de mise. Ça c’est un sujet qui n’est pas contextuel. On parle de problèmes de fonctionnement réel du pays. Il ne faut pas que les gens pensent que je suis en train de faire l’apologie de la modification de la constitution.

ZONEAFRIQUE.NET : Après investiture, on a attend un nouveau gouvernement et un nouveau Premier ministre. Quel profil de PM souhaitez-vous voir à la tête de la primature

B-A : Je veux un premier ministre consensuel, disposant d’un poids politique, et qui a une compétence avérée sur la gestion de l’Etat. Sachant que les défis qui attendent le pays sont les défis de la relance économique, si on n’a pas ce premier ministre qui possède ces critères, je pense qu’on risque de retomber dans les mêmes train-train des cinq dernières années.

ZONEAFRIQUE.NET : Quel gouvernement ?

B-A : Je suis contre l’idée de gouvernement d’union nationale parce que nous ne sommes pas dans un contexte de crise. Je suis pour un gouvernement d’ouverture vers des compétences avérées.

ZONEAFRIQUE.NET : Quelles priorités ?

B-A : La relance économique et surtout la prise en main des problèmes sociaux de la Guinée. Comment relancer le pouvoir d’achat des travailleurs ?, comment faire en sorte que les populations puissent accéder à la consommation à moindre coût et surtout comment créer un environnement permettant aux investisseurs et à l’Etat de créer des emplois décents pour les jeunes. Pour moi, les trois secteurs prioritaires sur lesquels l’Etat doit s’atteler sont l’agriculture, l’éducation et surtout l’énergie. Je pense que le gouvernement doit se donner les moyens pour qu’il y ait un impact fort dans ces trois secteurs.

Par zoneafrique.net

Mamadou Lamarana LY pour maguinee.com