Au lendemain d’une journée marquée par des affrontements qui ont fait quatre morts, selon un bilan officiel, un calme précaire régnait à Brazzaville, mercredi 21 octobre. Des échauffourées ont cependant éclaté entre forces de l’ordre et opposants au référendum de dimanche, et des habitants des quartiers concernés ont fui par crainte des violences. A Paris, le président français a défendu le « droit » de son homologue congolais à organiser un référendum.

Il règne un calme précaire au Congo, mais la journée de mercredi a été très contrastée à Brazzaville, au lendemain des affrontements meurtriers de mardi 20 octobre, qui ont fait quatre morts, selon un bilan du ministère de l’Intérieur. Dans de nombreux quartiers de la capitale, la vie a repris son cours. Les magasins ont rouvert, les taxis circulent et les partisans du oui au référendum continuent de battre campagne. Des groupes de jeunes ont même parcouru plusieurs quartiers du centre-ville de la capitale congolaise à l’appel de la plateforme pour le oui au référendum. Ils ont fait du porte-à-porte pour expliquer le contenu du projet de réforme de la Constitution qui sera soumis au vote des Congolais, dimanche. Une explication de texte à domicile justifiée par le fait qu’« en démocratie, les gens ont le droit de savoir, et il est important d’expliquer en quoi ce texte est une avancée ».

Ce n’est évidemment pas l’avis des opposants à ce référendum. Dans les quartiers de Bacongo et Makélékélé, des jeunes sont à nouveau sortis, dans la matinée. Comme la veille, ils ont tenté de tenir des barricades, avant d’être chassés par la police à coups de gaz lacrymogènes et de tirs de sommation. Un scénario qui s’est répété plusieurs fois au cours de la journée, les quartiers alternant entre ébullition et désolation. Il n’y a cependant pas eu d’affrontement à proprement parler, selon nos informations, mais beaucoup de peur chez les habitants. Certains ont fui le quartier à pied. Femmes et enfants, essentiellement, ont quitté le quartier en file indienne, avec des vivres et quelques effets dans de maigres baluchons.

Une source sécuritaire parle « d’opérations classiques de maintien de l’ordre ». Au cours d’une conférence de presse, le Front républicain pour le respect constitutionnel et l'alternance démocratique (Frocad), la plateforme opposée au référendum, a pour sa part dénoncé « un usage disproportionné de la force » et lancé un appel aux policiers pour qu’ils « se calment ». Une heure plus tôt, six opposants membres du Frocad, qui devaient participer à cette conférence de presse, ont été retenus par la police pendant environ une heure et demie avant d’être finalement relâchés.

Dans le reste du pays, la situation a également semblé plus apaisée mercredi que la veille. Elle reste cependant vive à Pointe-Noire, dans le sud du pays. Des tirs ont été signalés dans le quartier de Tié Tié, entre 15h et 16h, heure locale, selon des habitants. Des témoins rapportent également des scènes de pillages. Dans les quartiers périphériques de Pointe-Noire, les militaires sont toujours déployés en nombre. Le centre-ville a fonctionné au ralenti aujourd'hui. Une partie seulement des commerces étaient ouverts et les administrations publiques sont restées fermées, rapporte un habitant. Comme mardi, Internet, le réseau SMS et le signal de RFI sont coupés.

A Madingou, dans la Bouenza, dans le sud-ouest du Congo, des militants en colère ont détruit beaucoup de biens. La plupart des autorités administratives ont quitté la ville, selon des témoins. A Dolisie et à Sibiti, le calme est revenu et les habitants ont repris leurs activités dès ce mercredi matin.

Le référendum portant sur une réforme constitutionnelle qui doit se tenir dimanche 25 octobre avait été annoncé par le président Denis Sassou-Nguesso lui-même, le mardi 22 septembre dernier à la télévision. Le texte présenté au suffrage des Congolais comporte de nombreux aspects, d’un renforcement de la décentralisation à la refonte des rapports entre le législatif et le gouvernement. Mais la modification qui fait le plus débat est celle qui concerne le mandat présidentiel. Si le texte est adopté lors du référendum de dimanche, celui-ci est réduit de sept à cinq ans, mais devient renouvelable deux fois. La limite d'âge, fixée à 70 ans, disparaît. Des modifications qui permettraient au président Denis Sassou-Nguesso, âgé de 72 ans, de briguer un troisième mandat, et sur lesquelles l'opposition s'appuie pour dénoncer un « coup d'Etat constitutionnel ».

François Hollande, qui recevait le président malien Ibrahim Boubacar Keïta à Paris ce mercredi, a été interpelé sur la situation du Congo-Brazzaville lors de la conférence de presse commune des deux présidents. Et en particulier sur la question de ce référendum. « Nous respectons les choix, toujours, des autorités légitimes. Le président Sassou peut consulter son peuple, ça fait partie de son droit, et le peuple doit répondre », a répliqué le chef de l’Etat français, pour immédiatement ajouter : « Ensuite, une fois que le peuple aura été consulté, cela vaut d’ailleurs pour tous les chefs d’Etat de la planète, il faut toujours veiller à rassembler, et à respecter et à apaiser. »

Une position que dénonce l'association Survie qui demande une condamnation ferme et des mesures concrètes à l'encontre des autorités congolaises. « En faisant ça, la France réaffirme son soutien à Denis Sassou-Nguesso en vertu de la préservation de d’autres intérêts, des intérêts économiques, stratégiques, alors même qu’en ce moment des Congolais meurent sous les balles du régime », estime Thomas Noirot, membre de l'association en charge du Congo-Brazzaville.

Daddy (pseudonyme), Observateur de RFI et France 24

Mamadou Lamarana LY pour maguinee.com