Alpha Condé ne s’est pas toujours montré à la hauteur de la tâche qui lui incombait à son arrivée au pouvoir : réformer la Guinée, refonder l’Etat, entamer un processus de réconciliation nationale et surtout changer qualitativement la vie des Guinéens, qui malgré la richesse de leur sous-sol gisent dans une pauvreté endémique.

En affirmant avoir « hérité d’un pays, mais pas d’un Etat », Condé semblait comprendre l’immense défi qui l’attendait. Mais cinq ans après son élection, la phrase est restée sans suite. Foyer de la pandémie Ebola qui a tué 2 300 Guinéens, le pays s’achemine vers un cycle électoral à haut risque. Alpha Condé refuse d’inverser le calendrier électoral pour organiser d’abord les municipales puis la présidentielle. Pour rappel, les collectivités locales dont les élus n’ont pas été renouvelés depuis… 2005, sont dirigées par des fonctionnaires jugés partisans par l’opposition.

A quelques encablures de la présidentielle du 11 octobre prochain, les écuries s’agitent, les vocations naissent et les manœuvres d’appareil commencent à Conakry et dans les capitales ouest-africaines.

J’ai déjà évoqué le sujet des opposants guinéens. Leur irresponsabilité. Leurs compromissions. On retrouve en cette période préélectorale leur dessein quasi passionnel d’arriver au pouvoir. Calife à la place du calife. Leur seul projet politique constant. Candidature unique ? Candidature plurielle ? Sidya Touré, numéro 2 de l’opposition, affirme que le « consensus » à trouver concerne la façon de « battre Alpha Condé ». Ensuite on verra. Rien de nouveau sous les Tropiques. S’ajoute à cette cacophonie, un élément nouveau : le cas Moussa Dadis Camara, ancien chef de la junte du CNDD, exfiltré au Burkina depuis son départ théâtral du pouvoir en 2009. Qu’a fait la Guinée pour mériter que Dadis Camara ose seulement annoncer sa candidature ? La jeunesse guinéenne mérite sincèrement un meilleur sort. S’il est en effet hallucinant de voir le truculent, comique et inquiétant capitaine se déclarer pour la présidentielle d’octobre, après son passage macabre au pouvoir, il est plus déroutant encore de constater son alliance avec le chef de l’opposition, Cellou Dalein Diallo.

Dalein Diallo était le principal leader de l’opposition qui avait appelé ses partisans à la manifestation au stade du 28 septembre en 2009. Les soldats de Dadis Camara avaient fait un carnage avec un bilan de plus de 150 morts, des femmes violées et de nombreuses personnes disparues. D’ailleurs, une enquête est en cours pour situer les responsabilités dont celle du déséquilibré capitaine.

Aussi, faut-il que l’Afrique soit au chevet de la Guinée, car il s’y joue une carte importante dans l’équilibre d’une région fragile. La présidentielle d’octobre sera à nouveau le lit de relents ethniques et peut déboucher sur une vague de violences dramatiques pour un pays jusque-là peu épargné. La Guinée maudite. Jusqu’à quand ?

Par Hamidou Anne