Burundi : Après deux jours de violents combats entre les forces loyalistes et les putschistes, notamment autour du contrôle des radios publique et privées, le général Niyombare, qui avait mené la révolte, a reconnu sa défaite et annoncé la reddition de son camp. Le président Pierre Nkurunziza, qui se trouvait à Dar-es-Salaam pour participer à un mini-sommet des pays de la communauté de l’Afrique orientale réuni dans le but de rechercher une solution pacifique à la crise déclenchée par sa décision de briguer un troisième mandat, devrait regagner Bujumbura ce 15 mai et prononcer un discours. Maintiendra-t-il son projet de concourir aux prochaines élections ?

L'échec du putsch reconnu par ses promoteurs le 14 mai, sonne paradoxalement le glas d'un espoir. Celui de mettre un coup d'arrêt au projet du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat, contrairement au prescrit des Accords de paix d'Arusha et de la Constitution. Mais aussi et surtout à une politique désastreuse au plan économique et social, une corruption effrénée et une réactivation des antagonismes ethniques entre Hutus et Tutsis. Sans parler de la répression qui s'est abattue sur l'opposition et les médias indépendants.

C'est pour cette raison que le putsch du 13 mai du général Godefroid Niyombare avait été accueilli dans la liesse à Bujumbura. Le coup était d'ailleurs attendu, sinon espéré, depuis un mois et le nom du général était sur toutes les lèvres. Celui qui s'est présenté comme le sauveur, en fuite le 14 mai, pourrait comparaître en justice s'il était capturé. Mais pour juger ses actes, il faut savoir aussi que le coup d'Etat a été d'une certaine manière, préventif. Selon nos informations, le général y a été pratiquement acculé par les confidences de camarades militaires, venus lui raconter il y a quelques jours qu'ils avaient reçu l'ordre de le tuer. N'eût-il pas agi, qu'on l'aurait exécuté, plaident les amis de Niyombare. Une course de vitesse était engagée...

On le sait aujourd'hui, la tentative de putsch a échoué. Le candidat sauveur d'hier devient l'accusé, le traqué d'aujourd'hui. Au profil singulier. A l'une de nos sources qui avait passé auprès de lui quelques heures en avril, le général s'était décrit comme un self-made man. Hutu né à Bujumbura il y a 46 ans, il a quitté l'université en 1995, qu’il avait intégrée après avoir suivi ses études secondaires chez les jésuites du Collège du St Esprit. Il rejoint alors le maquis du CNDD-FDD. Il s'y impose comme l'un des meilleurs éléments au point d'être choisi parmi les premiers officiers de la guérilla pour intégrer l'armée burundaise unifiée, issue des accords d'Arusha, dont il sera chef d'Etat-major de 2006 à 2012, avant de devenir conseiller principal pour la sécurité de Nkurunziza. Au sein de l'armée, il gagne estime et popularité, aussi bien auprès des Hutus que des Tutsis pour ses prises de positions anti-ethniques et anti-régionalistes.

Niyombare tire aussi sa popularité actuelle du fait qu'en tant que chef du Service national de renseignement (SNR) de novembre 2014 à février 2015, il avait recommandé dans un rapport au chef de l'Etat que ce dernier et son parti choisissent un autre candidat à la présidentielle de juin 2015. "Pour éviter une erreur fatale" au pays, au parti et à Pierre Nkurunziza lui-même. L'homme ne fut pas écouté et perdit son poste. Il va devoir aujourd'hui assumer son choix de l'aventure. Car Niyombare, en reconnaissant jeudi que l'armée demeurait inféodée au pouvoir, a admis son propre échec, un comble pour un ancien spécialiste des renseignements : une mauvaise appréciation des rapports de force au sein de l'armée qui jette un peu plus le pays dans l'instabilité. Vendredi matin, la société civile et l'opposition annonçaient la reprise des manifestations. Il est à craindre dans ce contexte que le pays n'entre dans une période de normalisation brutale. Quant aux élections, dont le cycle devait démarrer le 26 mai prochain avec les locales et les législatives, si elles se tiennent, ce ne sera assurément pas dans des conditions normales...