"Julie Gayet protégée comme une première dame". En dévoilant ce vendredi 13 février des photos de l'actrice lors d'un déplacement privé au cours duquel elle a été "véhiculée par deux fonctionnaires de l'Etat", le magazine Closer ne se contente pas de réaliser un nouveau coup d'éclat people. L'hebdomadaire, qui avait déjà révélé la liaison entre la productrice et le président de la République en janvier 2014, se fait aussi le porte-voix de ceux qui critiquent la confusion entre la vie privée et les avantages publics du chef de l'Etat.

"Si elle n'a ni le statut ni les prérogatives d'une première dame, Julie Gayet a déjà tous les privilèges d'une first lady", écrit ainsi Closer, commettant au passage une double approximation. En France, la compagne -même officielle- du président ne dispose ni d'un statut ni de prérogatives inscrites dans la loi. Seule la tradition républicaine a conféré à la concubine ou l'épouse du chef de l'Etat un bureau, du personnel et des moyens financiers pour assumer son rôle officieux de "première dame" de France.

Cela n'a pas empêché l'UMP et le Parti de Gauche de pointer du doigt une confusion des genres "malsaine". Sébastien Huyghe, porte-parole du parti de Nicolas Sarkozy, a notamment commenté sur BFMTV: "Soit Mme Gayet est la compagne officielle du président de la République et dans ce cas-là, il le dit et que l’Etat assure sa protection ne serait que normal. Mais si ça n'est pas le cas, il n'y a pas de raison d'utiliser des deniers publics pour accompagner, transporter, protéger Mme Gayet". Sur la même chaîne, Alexis Corbière, secrétaire général du Parti de Gauche, a tranché: "Il n'est pas sain que de l'argent public soit utilisé au profit de l'entourage du chef de l'Etat".

Julie Gayet a droit à une protection... comme tout le monde

Première question: est-il normal que Julie Gayet dispose d'une protection rapprochée? "La République est là pour protéger TOUS les citoyens", a rappelé justement ce vendredi le ministre Michel Sapin, ami intime de François Hollande. "Je connais beaucoup de personnes privées qui peuvent être soumises à un certain nombre de menaces. Dès lors qu'on est dans le public, que tel ou tel commentaire est fait sur votre situation personnelle, il peut y avoir des menaces", a-t-il précisé.

De fait, Julie Gayet a été, contre sa volonté et celle du président, fortement exposée médiatiquement l'an dernier, ses moindres déplacements étant traqués par une meute de paparazzis. A ce titre, et compte tenu de la menace terroriste actuelle, son placement sous protection est plus que justifié.

Comme le révélait Le HuffPost dans la foulée des attentats de la mi-janvier, de nombreuses personnalités ont été placées sous la surveillance du Service de la Protection (SDLP). Et Julie Gayet, en tant qu'intime du président, doit logiquement pouvoir en bénéficier, que la menace soit avérée ou supposée.

Un déplacement privé avec un garde du corps présidentiel

Deuxième question: est-il normal que l'Elysée assure la protection de l'actrice de 42 ans? Les photos montrent en effet Julie Gayet à Rennes le 5 février où elle a été accompagnée en voiture par deux fonctionnaires, pour assister au tournage d'un film qu'elle produit. Rien ne permet de confirmer qu'il s'agit là d'une voiture de l'Elysée et non du SDLP qui peut mettre à disposition de ses protégés un véhicule banalisé. En revanche, Julie Gayet est photographiée en compagnie d'un officier de sécurité identifié comme un des gardes du corps officiels de François Hollande, celui-là même qui avait apporté les croissants sur les photos dévoilant la liaison présidentielle en janvier 2014.

Cet officier est membre du GSPR, le Groupe de sécurité de la présidence de la République, une unité d'élite du SDLP concentrée sur la protection du chef de l'Etat, de sa famille et des anciens présidents. Théoriquement, seul l'entourage "officiel" de François Hollande devrait donc pouvoir profiter des services du GSPR. Julie Gayet n'ayant jamais fait l'objet d'une reconnaissance statutaire (elle n'est ni la concubine ni même la compagne attitrée du président qui se présente comme "célibataire"), les "privilèges" dont elle profite sont donc susceptibles d'être contestés, ne serait-ce que moralement.

Le précédent Mazarine Pingeot

Ironie de l'histoire, le président socialiste François Mitterrand avait lui-même créé le GSPR par le décret 83-14 du 5 janvier 1983 afin de garantir sa propre sécurité et protéger au mieux le secret autour de sa fille illégitime, Mazarine Pingeot. Pendant près de treize ans, huit gendarmes d'élite ont ainsi été chargés de protéger sept jours sur sept la fille cachée du président, comme le révélera plus tard le fondateur du GSPR, Christian Prouteau dans un livre.

Selon Le Point, Sophie Hatt, l'actuelle patronne du GSPR, n'a pas souhaité commenter la présence d'un de ses policiers aux côtés de l'actrice Julie Gayet. Pour la comédienne comme pour Mazarine, ce n'est pas tant la question de moeurs qui est ici en cause mais bien l'usage discrétionnaire des moyens de la présidence. Pour François Hollande, qui a fait de la transparence un marqueur politique de son quinquennat, la question n'en est que plus embarrassante.

Le HuffPost  |  Par Geoffroy Clavel