La loi peut être dure, mais c’est la loi. S’assurer qu’elle est impersonnelle et opposable à tous est essentiel dans un Etat de droit ou pour une nation, comme la République démocratique du Congo, qui aspire et peine à le devenir. Le président Joseph Kabila a été élu le 28 novembre 2011 pour un second mandat de cinq ans et a prêté le serment constitutionnel le 20 décembre de la même année. Il doit en conséquence se délester de sa qualité de magistrat suprême le 19 décembre 2016.

Réussir une succession pacifique du président sortant doit être une priorité nationale en RDC. Le succès du vote rétablirait la légitimité du chef de l’Etat dangereusement écorchée depuis la réélection contestée du président Joseph Kabila en novembre 2011. Priorité nationale, une présidentielle réussie en 2016 l’est aussi parce que la stabilité à long terme du pays en dépend. La préparation de ce scrutin doit dès lors être la principale priorité de l’action gouvernementale des prochains vingt mois.

Dans cette perspective, il convient de publier rapidement le calendrier électoral global et de finaliser le budget nécessaire à la tenue des scrutins. En plus de la loi électorale adoptée le dimanche 25 janvier 2015 par les deux chambres du parlement, la préparation de ce vote sera notamment régentée par l’article 73 de la loi fondamentale congolaise. Celle-ci stipule que « le scrutin pour l’élection du président de la République est convoqué par la Commission électorale nationale indépendante quatre-vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du président en exercice. » En vertu de cette disposition de la Constitution et des autres lois pertinentes de la République, la prochaine élection présidentielle, sans la participation du président Joseph Kabila, doit avoir lieu en septembre 2016.

Exigence constitutionnelle plus qu’évidente, la tenue en 2016 d’une élection présidentielle excluant le président Kabila a curieusement fait l’objet d’interminables conciliabules, de spéculations et d’un flou artistique savamment entretenus par la majorité au pouvoir pendant les deux dernières années. Si, au plan juridique, la confusion a pu être levée sous la pression de la rue et au prix de nombreuses vies humaines, l’opinion demeure sceptique quant à la volonté politique du gouvernement de mener à bien cette opération.

Qu’adviendrait-il si les élections n’étaient pas organisées dans les délais ? Le mandat du président de la République deviendrait caduc fin 2016, et le chef de l’Etat accéderait au statut précaire et inconfortable de président de fait, à l’instar de Mobutu pendant les années 1990. Joseph Kabila perdrait ainsi le peu de sa légitimité obtenu des élections chaotiques de 2011. Le cas échéant, l’initiative sur la conduite de l’agenda politique national ne pourrait que très difficilement continuer de lui revenir. S’ouvrirait alors une douloureuse période de flottement à hauts risques.

Pour en limiter la durée, il serait souhaitable que la gestion suprême de l’Etat, pendant une période transitoire, soit confiée à une personnalité nationale ou internationale intègre et neutre. Si le choix doit se porter sur un acteur extérieur, le joker serait une sorte de Bernard Kouchner du Kosovo du début des années 2000. L’on se souviendra que le 15 juillet 1999, conformément à la résolution 1244 du Conseil de sécurité, le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan avait nommé M. Kouchner en qualité de deuxième représentant spécial des Nations unies et chef de la Mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo (MINUK). Pendant dix-huit mois, l’ancien fondateur de Médecins sans frontières a dirigé les efforts de l’ONU visant à créer une nouvelle administration civile et le système politique qui devaient remplacer ceux, paralysés, de la Serbie.

Notre pays et ses partenaires au développement seraient bien avisés d’amorcer la réflexion sur cette cruciale question. Dans tous les cas de figure, les autorités congolaises devraient davantage privilégier dans les difficiles mois à venir l’intérêt supérieur de la nation et s’attacher à étancher pacifiquement la profonde soif de changement de la population. Seront-elles, pour une fois, à la hauteur des attentes ? La question reste sur toutes les lèvres.

Par Freddy Matungulu Mbuyamu Ilankir