Des images de guérilla en plein Paris. Une banlieue qui s'enflamme. Et des médias qui s'alarment de "l'importation de l'intifada en France". Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourrait-on cesser de souffler sur les braises? Comment sortir de cette spirale infernale ?

Partout dans le monde, en Europe, en Amérique du Nord, mais aussi dans plusieurs villes israéliennes, des dizaines de manifestations ont été organisées ce week-end, en réaction à l'offensive menée par Israël à Gaza, qui aurait fait 572 victimes, dont 149 enfants de moins de 10 ans, en une dizaine de jours et plus de 100 000 personnes déplacées. Mais les heurts se sont produits dans les deux seules villes françaises où les manifestations avaient été interdites : Paris et Sarcelles. Même à Londres, où des marches pro-palestiniennes et pro-israéliennes avaient lieu simultanément, la police a réussi à éviter tout débordement.

"Ceux qui veulent à tout prix manifester en assumeront la responsabilité" a asséné François Hollande. Rappelons pourtant que c'est aux services de l'Etat qu'incombe la responsabilité de garantir l'ordre public - pas aux manifestants. D'autant que si les organisateurs d'une manifestation autorisée se doivent de prévoir un service d'ordre, cela est évidemment impossible en cas d'interdiction de l'événement. Sans aller jusqu'à voir dans l'attitude de François Hollande, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve un terrible cynisme visant à faire grimper le FN, on ne peut que constater l'échec flagrant de leur tactique.

Le gouvernement français semble espérer qu'en censurant l'expression des problèmes il parviendra à un apaisement. Rien n'est moins sûr. Les événements de ce week-end risquent au contraire d'attiser l'antisémitisme, que l'interdiction de manifester était censée prévenir. Hormis quelques extrémistes casseurs, la grande majorité des manifestants se rassemblaient non pas contre les Juifs - des organisations juives participaient d'ailleurs aux manifestations - mais contre les exactions perpétrées par le gouvernement israélien à Gaza.

 

Taxer d'antisémites les personnes réagissant à l'assassinat de centaines de civils - y compris d'enfants - est le plus sûr moyen de nourrir les tensions. Évitons tout amalgame entre les exactions du gouvernement israélien et la responsabilité du "peuple juif" dans son ensemble. Ne favorisons pas l'émergence d'une nouvelle guerre de religions sur notre propre sol... Il faut dire et redire à quel point s'attaquer à une synagogue, saccager et piller des magasins juifs ou assassiner des adolescents israéliens est inacceptable. En s'attaquant à l'ordre républicain, ce sont nos institutions même que l'on attaque, la République que l'on fait vaciller. La plus grande sévérité est nécessaire contre les casseurs. Lorsqu'une caricature, aussi vile soit-elle, de la ministre de la justice est punie de 9 mois fermes, on peut s'interroger sur une condamnation de quelques mois seulement -avec sursis - pour des émeutiers hurlant "mort aux juifs". Mais cela n'implique nullement d'interdire des manifestations ni ne dispense d'adopter des positions politiques courageuses pour dénoncer l'escalade de la violence au Proche-Orient.

La France, si prompte à appeler à une action militaire contre la Syrie ou à des sanctions contre la Russie, se cantonne dans des positions tièdes sur le dossier israélo-palestinien, malgré les violations répétées du droit public international et du droit humanitaire. Déjà, le communiqué de François Hollande du 9 juillet, affirmant le droit du gouvernement israélien "de prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces" sans évoquer les victimes palestiniennes et les violations du droit international commises par Israël, ni rappeler la doctrine française appelant à la constitution deux États, sur la base des frontières de 1967, était inacceptable. Le rôle de la France ne peut se limiter à "faire en sorte que le Hamas puisse accepter le cessez-le-feu". Elle aurait pourtant toute légitimité pour lancer une initiative diplomatique, demander des sanctions ou appuyer un processus de médiation. Des crimes de guerre sont commis. Le Conseil de Sécurité de l'ONU appelle au respect du droit international humanitaire et à la protection des civils à Gaza. Des prises de position courageuses et responsables de la France sont indispensables, tant vis-à-vis des protagonistes directs du conflit, que des États-Unis, dont il est inacceptable que le Secrétaire d'État déclare qu'"Israël a tous les droits du monde de se défendre". Certes des roquettes ont été lancées depuis Gaza, mais comment comparer les dégâts essentiellement matériels en Israël et le bombardement d'hôpitaux ou ces morts de dizaines d'enfants dont nous abreuvent les télévisions par des images insoutenables...

N'oublions pas non plus, en Irak, l'exode par milliers des Chrétiens de Mossoul, présents dans cette ville depuis des siècles et obligés de la quitter sous peine d'y perdre leur vie... Là aussi, il y a crime contre l'humanité, et l'indifférence est quasi-générale...

Cette région est devenue une véritable poudrière. Il faut que la France agisse au plus vite. La sécurité régionale, mais aussi la nôtre, et la crédibilité même du concept de droit international, sont en jeu.

Joëlle Garriaud-Maylam

Sénatrice des Français établis hors de France, vice-présidente du groupe UMP du Sénat