Présents dans plusieurs pays de la bande sahélienne, les militaires français rationalisent leur lutte contre le djihadisme. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, signera mercredi à Bamako un accord de défense avec le Mali. Cette normalisation de la relation avec l'ancienne puissance coloniale permettra au représentant du gouvernement français de rencontrer le président Ibrahim Boubacar Keïta ainsi que son homologue Ba N'Daou.

 Celui-ci avait remplacé le mois dernier Soumeylou Boubèye Maïga, démissionnaire après la défaite à Kidal des troupes gouvernementales face à la rébellion touareg. À l'occasion de la fête nationale française, François Hollande, président de la République et chef des armées a officialisé la fin de l'opération Serval au Mali, qui avait été engagée en janvier 2013 : "Grâce à l'opération Serval qui achève sa tâche, il n'y a plus de sanctuaire pour les groupes terroristes au Mali. 200 tonnes de munitions ont été reprises, et donc, c'est une mission qui a été parfaitement accomplie."

"Évacuation stratégique"

Les Français resteront pourtant au Mali, en étant basés à Gao dans une configuration proche de celle actuellement en place, mais dans un cadre opérationnel rebaptisé opération Barkhane. Car les menaces djihadistes demeurent bien réelles, comme le démontre l'attaque suicide dont a été victime un groupe de reconnaissance et de contrôle de zone le 14 juillet au soir. Sept hommes ont été blessés, dont trois grièvement, par l'explosion d'un pick-up assaillant. L'une des victimes, l'adjudant-chef Dejvid Nikolic, 45 ans, du 1er régiment étranger du génie de Laudun-l'Ardoise (Gard), n'a pas survécu à ses blessures. Tous les autres sont aujourd'hui hors de danger, y compris les deux soldats qui ont fait l'objet d'une "évacuation stratégique" (Stratevac) et se trouvent aujourd'hui dans un hôpital militaire français.

Jean-Yves Le Drian fera le point aujourd'hui à Bamako sur les évolutions du dispositif français et réaffirmera aux autorités locales que la France entend demeurer engagée contre le djihadisme qui sévit au Mali et dans la zone sahélienne, mais nullement dans les affaires intérieures du Mali et dans la guerre larvée opposant le gouvernement central et les rebelles du nord du pays.

3 000 hommes

Pour le rôle de conciliateur et de "Monsieur bons offices", la France a passé le relais à l'Algérie. Sous l'égide de cette dernière, un échange de plusieurs dizaines de prisonniers a été organisé mardi et des pourparlers de paix s'engagent ce mercredi à Alger. L'architecture future de la présence militaire française dans la zone sahélienne sera précisée dans les prochains jours, à l'occasion d'une tournée africaine entamée jeudi par François Hollande. Lequel déclarait le 13 juillet lors de sa traditionnelle adresse aux militaires réunis au ministère de la Défense : "L'opération Barkhane va donc prendre le relais. Elle va mobiliser nos forces non seulement au Mali, mais dans plusieurs pays de la zone Sahel."

 

Concrètement, le PCIAT (poste de commandement interarmées de théâtre) actuellement installé à Bamako se déplacera vers N'Djamena (Tchad) où de nouveaux locaux ont été édifiés. Il ne manque pour ce faire qu'un accord formel qui devrait être signé par les présidents Idriss Déby et François Hollande, lors de la visite de ce dernier dans la capitale tchadienne. Concrètement, l'opération Barkhane rassemblera 3 000 hommes en englobant les effectifs et les missions de l'opération Serval et de l'opération Épervier en cours depuis 1986 au Tchad. Elle chapeautera également les opérations de renseignements, conduites par les drones MQ-9 Reaper depuis l'aéroport de Niamey (Niger), et celles que les forces spéciales mènent depuis Ouagadougou (Burkina Faso).

L'opération Berkhane a vocation, insiste-t-on à Paris, à "assurer une mission unique de lutte contre le terrorisme. La situation intérieure malienne relève des seules autorités militaires de ce pays en liaison avec l'ONU." Barkhane a vocation à intervenir sur les territoires de cinq États, en relation avec les armées nationales de chacun d'entre eux, à savoir le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Le 9 avril dernier, le chef d'état-major des armées françaises, le général Pierre de Villiers, avait été invité à assister à la première réunion de ses homologues de ces pays, à Niamey. Dans la relation complexe de la France avec cette partie de l'Afrique, une nouvelle étape s'engage.