France : JUSTICE - Anne-Sophie Leclère, ex-tête de liste FN aux municipales à Rethel (Ardennes), a été condamnée mardi par le tribunal de grande instance de Cayenne à neuf mois de prison ferme et 5 ans d'inéligibilité pour avoir comparé la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, à un singe.

Le tribunal avait été saisi d'une plainte du mouvement guyanais Walwari destinée à "dénoncer le fond idéologique d'extrême droite du parti de Marine Le Pen".

Le TGI de Cayenne est allé au-delà des réquisitions du parquet qui avait demandé une peine de quatre mois de prison, 5 ans inéligibilité et 5000 euros d'amende. Anne-Sophie Leclère a ainsi écopé d'une peine de 9 mois de prison ferme, 5 ans inéligibilité, assortie d'une amende de 50.000 euros.

Le TGI de Cayenne a également condamné le Front national à 30.000 euros d'amende.

Jean-Marie Le Pen et le FN voient rouge

Cette sanction n'a pas du tout été appréciée ni par le Front national (qui avait retiré son investiture à la jeune femme) ni par son fondateur Jean-Marie Le Pen. Ce dernier s'est indigné de cette condamnation dans un tweet prenant ouvertement pour cible les magistrats. "Magistrats traîtres à la loi et violeurs de la morale", a écrit l'ancien candidat à la présidentielle.

Toujours sur Twitter, le vice-président du FN, Louis Aliot, a repris les arguments de Nicolas Sarkozy lors de sa mise en examen en précisant que le juge qui avait prononcé la peine était membre du Syndicat de la Magistrature. Une manière de dénoncer une décision jugée "disproportionnée".

Dans un communiqué intitulé "guet-apens judiciaire", le parti de Marine Le Pen rappelle qu'il avait demandé en vain "au premier président de la Cour d’appel de Cayenne la récusation de M. Stéphane Rémy, le président du tribunal correctionnel, au motif de son appartenance au Syndicat de la Magistrature".

"Il doit s'agir des condamnations les plus importantes prononcées depuis longtemps en matière de droit de la liberté d'expression", dénonce encore le Front national tout en précisant qu'il fera appel de cette décision de justice. Le FN précise au passage "qu’il n’a pas injurié Mme Taubira, qu’il n’a donné aucun moyen à Mme Leclère de le faire, qu’il a d’ailleurs exclu définitivement cette Mme Leclère."

"C'était de l'humour"

Le 17 octobre, un reportage de l'émission "Envoyé spécial" sur France 2 avait montré cette commerçante de 33 ans, encartée au FN depuis 2012, propriétaire d'un magasin d'articles de pêche à Rethel, dans les Ardennes, qui s'efforçait de monter une liste pour les élections municipales dans cette ville de quelque 7500 habitants.

"C'était de l'humour"

Questionnée alors sur un photomontage qu'elle avait placé sur sa page Facebook et qui montrait d'un côté un petit singe et de l'autre la garde des Sceaux, avec les légendes "à 18 mois" et "maintenant", Anne-Sophie Leclère l'avait assumé, assurant que "ça n'a rien à voir" avec du racisme.

"Cette photo c'était de l'humour. L'image a été postée sur ma page Facebook et je l'avais supprimée quelques jours après d'ailleurs, ce n'est pas moi l'auteur", s'était-elle ensuite défendue.

Anne-Sophie Leclère avait été exclue du FN le 3 décembre par la présidente du parti, Marine Le Pen, sur proposition de la commission de discipline de la formation d'extrême droite. La justice avait également ouvert une enquête préliminaire, confiée par le parquet de Paris à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP).

L'ancienne candidate frontiste n'avait pas été représentée par un avocat lors de l'audience du 8 juillet. Elle a la possibilité de faire appel de cette condamnation.

Joël Pied, secrétaire régional de Walwari, a évoqué une "décision historique et salutaire". "Une institution notable de la République reconnaît que le Front National est condamnable par le droit, et qu'il s'agit d'un parti raciste. Nous espérons que cette décision va faire date", a-t-il souligné. Le représentant du Front national en Guyane, René Tran Van Nghia, a lui jugé cette décision "politique et ridicule".