Après s'être débarrassé de son chef du gouvernement Mme Aminata Touré, le président sénégalais Macky Sall vient de nommer dimanche le nouveau Sherpa de la Primature, Mohamed DIONE. Un électron libre, dégoupillé de la chape de plomb politique, technocrate pur jus et homme de confiance du chef de l'Etat. Il est à la tête d'un attelage gouvernemental, formé hier tard dans la nuit, constitué de 30 ministres, 3 ministres délégués et de 5 secrétaires d'Etats. Un gouvernement marqué par un dosage à la fois politique et technique et qui a pour feuille de route de se mettre très vite au travail pour lubrifier la machine de la prochaine présidentielle 2017.

Les ministres battus aux dernières locales paient le prix de leur défaite. Le président Macky Sall avait averti l'équipée gouvernementale lors des joutes municipales du 29 juin dernier «Ceux qui ne gagneront pas dans leurs circonscriptions ne seront pas reconduits et prendront leurs responsabilités en main». Le locataire de Roume est passé à l'acte. La composition du nouveau gouvernement Mohamed DIONE est un véritable échafaud infligé à une nomenclature de caciques et d'hommes jusqu'ici se disant intouchables et proches du président. La grande particularité de cette nouvelle équipée post élections municipales, c'est le départ inédit de certains poids lourds du gouvernement au nombre de 8.

Se reconnecter ou disparaître

Parmi les sortants, l'ex porte-parole du gouvernement et ministre de la Bonne gouvernance, le journaliste Abdoul Latif Coulibaly, le ministre des Transports, Thierno Alassane Sall, le ministre de la Culture, très engagé pour le prochain Sommet de la Francophonie de novembre 2014, Aziz Mbaye, l'écologiste en chef, grand allié jusque-là du président Sall, le sénégalo-libanais, Ali Haidar. A ceux-là s’ajoutent Mme Anta Sarr, ministre de la femme de la famille et de l’enfance, Pape Diouf, ministre de l’hydraulique et de l’assainissement, Benoît Sambou, ministre de la Jeunesse et le dandy Mor Ngom, ministre de l'Environnement. Ces ministres défenestrés payent le prix d'avoir perdu respectivement leurs localités face à la montée poussive de l'opposition. Leurs fauteuils mis en jeu depuis la déclaration du chef de l'Etat à la veille des élections, ces ministres abattaient leur dernière carte pour conserver leurs postes stratégiques dans le gouvernement post électoral.

Ils ont été remplacés par de nouvelles recrues issues de l'establishment politique et de la société civile. A l'évidence deux options s'imposent à cette frange d'anciens ministres non reconduits s'ils veulent continuer leur compagnonnage avec le président: reconquérir leurs fiefs pour se reconnecter dans la galaxie Sall ou disparaître du champ politique.

Les nouveaux hommes forts

Ce qui apparaît avec force à travers cette reconfiguration de l'attelage, c'est la confirmation d'une poignée de ministres, fidèles alliés et puissants gourous de l'establishment Sall. Non seulement ils prennent du galon mais constituent la cheville ouvrière du système. Il s'agit du ministre des Affaires Étrangères, Mankeur Ndiaye, Abdoulaye Daouda Diallo, ministre de la Sécurité publique et de l'intérieur, Augustin Tine, ministre des Forces Armées, Diène Farba Sarr, ministre du Renouveau Urbain (nouvelle création), Mabaye Niang, ministre de la Jeunesse, Mbagnick Ndiaye, ministre de la Communication, Alioune Sarr, ministre du commerce, etc. Le président a tenu à leur reconduction pour certains et pour d'autres, quelques réajustements de leurs portefeuilles et glissements vers d'autres stations ont été apportés.

Un dernier verrou

La nouveauté vient de la création de 5 secrétariats d'Etats (Sénégalais de l'extérieur, Alphabétisation, Communication, Hydraulique rurale, Mutualisation des Organisations Paysannes) qui viennent en appoint pour réformer l'administration centrale. Le Premier ministre a rappelé dimanche qu'ils n'ont pas le statut de ministres. Devant l'urgence des priorités, le nouveau chef du gouvernement Mohamed Dione, le Jacques Attali du système Sall, semble être bien lancé pour traduire en actes concrets la vision du chef de l'Etat. D'une forte carapace, adepte de Gramcy, trop distant des méandres de la politique et du bling bling ostentatoire, Mohamed DIONE est le dernier verrou du dispositif économique et politique de Macky Sall pour lui faire écrire les belles pages de son mandat à la tête du pays.

Par Ismael Aïdara, Rédacteur en chef Délégué